Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux ans avant Sophocle, — avaient chacun fait jouer un Philoctète : leurs drames, on le sait, nous sont indirectement connus par Dion. Il importe donc de préciser ici les détails significatifs de cette légende, pour voir comment ils avaient été successivement mis en scène par le maître et par le rival de Sophocle : ce sera la meilleure manière de montrer l’originalité de ce dernier, et en même temps la simplicité et l’adresse de son art.

Philoctète, fils de Pœas, est un ancien compagnon d’Héraclès, d’origine thessalienne. Il habitait la presqu’île de Magnésie et était roi de quatre villes que cite l’Iliade : Méthone, Thaumacie, Mélibée et Olizone[1]. Sophocle le fait vivre plus au sud, dans le pays des Maliens, sur les bords du Sperchéios[2]. Il le rapproche ainsi de l’Œta[3] et cela est intentionnel de sa part. Philoctète, après le refus d’Hyllos[4], a mis le feu au bûcher d’Héraclès et consommé ainsi l’apothéose de son compagnon. II fallait donc qu’il habitât dans le voisinage. Celui-ci, en mourant, lui a remis son arc et ses flèches[5], et ce don suprême a eu une influence décisive sur la vie de Philoctète.

Pendant la seconde expédition troyenne, celle de l’Iliade, il part avec sept vaisseaux de chacun cinquante rameurs[6] et traverse la mer Egée. Pendant une escale, il est piqué au pied par un serpent. Comme sa blessure s’était envenimée et qu’elle exhalait une odeur fétide[7], il fut abandonné par ses compagnons dans l’île de Lemnos.

  1. Iliade, II, 716 sq.
  2. Philoct. 4, 490 sqq., 724 sqq.
  3. Philoct. 453, 479, 490, 664, 725 sqq.
  4. Trach. 1210 sqq.
  5. Philoct. 670 et schol. 801 sqq. — Apollodore, II, 7, 7, 14 disait que c’était Pœas qui avait mis le feu au bûcher et reçu les armes du mourant ; il les avait ensuite léguées à son fils. Il faut que Philoctète ait connu personnellement Héraclès.
  6. Iliade, II, 718 sqq. Cf. Philoct. 1027.
  7. Il est souvent question dans la pièce de cette blessure, de sa purulence, de sa mauvaise odeur. Cf. Philoct. 7, 38 sq. 473 sq. 520, 695 sqq., 783, 824 sq., 876, 890 sq., 900, 1032, 1157, 1378. N’oublions