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de pudeur. Mais il faut que tout homme, quelque force qu’il possède, songe cependant qu’il peut être renversé pour une petite faute. Sache donc qu’il est sain et sauf celui qui a crainte et pudeur ; mais aussi que la cité où l’emporteront la violence et l’injure doit être telle qu’une nef qui périt après une heureuse course. Gardons une juste mesure de crainte, et songeons qu’en retour des choses qui nous réjouissent nous devons subir celles qui nous affligent. Toutes se succèdent les unes les autres. Cet homme était fougueux et injurieux ; je suis orgueilleux à mon tour, et je te commande de ne point le mettre au tombeau de peur d’y tomber toi-même en voulant l’ensevelir.

LE CHŒUR.

Ménélaos, après avoir parlé avec tant de sagesse, ne deviens pas injurieux pour les morts.

TEUKROS.

Je ne m’étonnerai plus, ô citoyens, de voir faillir un homme de race vile, quand ceux qui semblent être sortis d’une race illustre prononcent des paroles aussi insensées. Allons ! recommence tout ceci. Ne dis-tu pas que tu as amené Aias aux Akhaiens et qu’il n’a point navigué de lui-même et volontairement ? En quoi es-tu son chef ? En quoi t’est-il permis de commander à ceux qu’il a menés de la patrie ? Tu es venu, étant roi de Sparta, et non ayant sur nous aucun pouvoir, et il ne t’appartient pas plus de lui donner des ordres qu’il n’a le droit lui-même de te faire obéir aux siens. Tu es venu ici soumis à d’autres ; tu n’es point le chef de tous et tu n’as jamais été celui d’Aias. Commande à ceux que tu mènes