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LE CHŒUR.
Strophe I.

J’ai entendu dire, car je ne l’ai point vu, que le tout-puissant fils de Kronos avait attaché Ixiôn à une roue tournante, parce qu’il avait désiré le lit de Zeus ; mais je n’ai jamais entendu dire, que je sache, et je n’ai jamais vu qu’aucun des mortels ait subi une destinée plus terrible que celui-ci qui, n’ayant jamais commis une action mauvaise ou violente, périt aussi indignement. Et je suis plein d’étonnement de ce que, seul, et entendant de tous côtés le grondement des flots qui se brisent, il ait pu mener sa vie lamentable.

Antistrophe I.

Il n’avait aucun compagnon, aucun témoin de sa misère, auprès de qui et avec lequel il pût pleurer sur sa plaie sanglante et vorace, qui adoucît, à l’aide des douces herbes arrachées à la terre nourricière, le flux brûlant du sang jaillissant de la blessure. Il avait coutume alors, quand la cruelle ardeur du mal s’arrêtait, d’aller çà et là, rampant comme un enfant sans nourrice, chercher quelque soulagement à ses douleurs.

Strophe II.

Il ne faisait point sa nourriture des fruits de la terre sacrée, ni d’aucune des autres choses dont se nourrissent les hommes industrieux ; mais il ne se nourrissait que de ce qu’il frappait des flèches ailées de son arc. Oh ! le malheureux ! qui n’a point bu de vin pendant dix ans, et