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VOYAGE AUX INDES

commander à tous le Rois de la terre, qu’après son dîner une trompette annonce que le Roi des Rois, & de toute puissance, vient de se lever de table, & qu’il est libre à tous les autres de s’y mettre. il croit qu’il n’y a pas de Souverain qui posséde un Empire aussi beau que le sien, & que les autres Nations ne sauroient s’en passer. Le peuple même est dans cette erreur ; il appelle les Étranger, Gens des bois, & leur pardonne tout ce qu’ils peuvent faire contre les usages, parce qu’il l’attribue à leur grossiéreté naturelle & à leur peu d’éducation ([1].

L’Empereur a droit de vie & de mort sur tous ses Sujets, qu’il regarde comme des esclaves. Cette servitude pèse continuellement sur les particuliers, & les contraint d’afficher la misère. Celui qui posséde quelque chose, assure des pensions pour la nourriture des Talapoins, ou fait bâtir des pagodes ; s’il garde son argent, le Gouverneur lui suscite une mauvaise affaire, & bientôt il est dépouillé : s’il se cache, & qu’on vienne à le découvrir, il ne lui en coûte pas moins que la vie, parce qu’on soupçonne qu’il se réservoit pour former des intrigues.

Cependant le Pégouin chérit sa patrie ; il est poli, prévenant, affable, mais susceptible & chicaneur. Les loix n’ont pas trouvé de meilleur frein que de les punir par la bourse ; toutes les insultes ont été prévues & taxées à une amende pécuniaire [2], de sorte qu’on se met à l’abri de toute poursuite,

  1. (a) D’après de tels principes, cest s’exposer tout au moins au ridicule que de représenter dans les graces qu’on leur demande, qu’elles contribueront à enrichir ce Royaume par l’augmentation du commerce.
  2. (b) Sous les empereurs Romains, les insultes furent aussi taxées & rachetées. Pour.
pourvu