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ÉBAUCHE


Hier, en souriant d’un sourire discret,
Elle m’a dit tout bas : « Veux-tu ? fais mon portrait. »
Et moi, nouveau Sanzio peignant ma Fornarine,
Je sens mon cœur ému battre dans ma poitrine…
À l’œuvre ! Tout est prêt, pinceaux, toile, couleurs.
Je mettrai sur son front une tresse de fleurs,
Et j’unirai, fidèle à ses jolis airs mièvres,
Aux lis blancs de son front les roses de ses lèvres…
Mais, hélas ! son regard me met tout en émoi,
Et, ne pouvant souffrir le ciel si loin de moi,
Comme l’oiseau qui rentre au nid à tire d’aile,
J’achève le portrait dans les bras du modèle !


ADAGIO


Oh ! les premiers aveux que l’on se fait tout bas !
Oh ! les perles d’amour qu’à pleines mains on sème,
Les larmes, les soupirs !… Puis le grand mot : Je t’aime ;
Cette douce chanson devient bien vieille, hélas !…

Mais tant que le printemps redira son poëme,
Mais tant que fleuriront les cœurs et les lilas,
Cette douce chanson sera partout la même ;
Elle plaira sans cesse et ne vieillira pas…

Te souvient-il encor, ma mignonne chérie,
De ce jour où, timide, amoureux comme un fou,
Tout tremblant, je te dis — en anglais : I love you ?

Comme l’oiseau chantant sur la branche fleurie,
Ton âme sur mon âme, ange, vint se poser…
Et nous avons fondu nos cœurs dans un baiser.


SEUL


Hier, j’ai voulu visiter encore
Les lieux où tous deux nous sommes passés,
Le sentier perdu dans le bois sonore,
L’arbre où tu gravas nos noms enlacés.

Les mêmes concerts éclataient ; l’aurore
Dorait le sommet des pins élancés.
Et les jeunes fleurs qui venaient d’éclore
Souriaient d’amour aux cœurs fiancés.