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LES MERVEILLES DE LA SCIENCE



I


Reste à savoir, s’écria le major Fourrazine dans le silence recueilli qui avait suivi la démonstration du jeune Eustache Meridianus, reste à savoir si tous ces beaux progrès sont, en définitive, oui ou non, un acheminement de l’humanité vers la perfection.

— Vous voulez dire un effet de la perfectibilité humaine ? interrogea, avec une pointe de malice, Eustache Meridianus, que la réflexion du major avait piqué au vif.

— Parfaitement.

— Comment osez-vous en douter ? Mais, comprenez donc, de grâce… Le génie de l’homme…

Le major, effrayé, interrompit le mouvement d’éloquence de son savant contradicteur.

— Le génie de l’homme n’a rien à faire dans tout ceci, dit-il. Je me demande tout simplement si, quand nous aurons renversé les barrières qui nous séparent encore aujourd’hui de l’impossible, nous serons plus avancés que lorsque nous étions des ignorants.

— Une telle supposition, fit Eustache, m’étonne de votre part.

— Elle ne vous étonnerait pas tant si vous aviez mon âge et mon expérience.

Eustache regarda le major sans saisir le sens exact de ses paroles.

— Je m’explique, continua ce dernier. Peu m’importe que la société ait fait un pas en avant ou en arrière depuis que je suis au monde, pourvu que je vive tranquille dans mon ménage. Là est l’essentiel. Or, c’est précisément cette perte de ma tranquillité qui m’inquiète et que je redoute de toutes vos inventions.