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raison, ne parle point dans le sens matériel du mot. Le Peuple, non plus que Dieu, n’a des yeux pour voir ; des oreilles pour entendre, une bouche pour parler. Que sais-je s’il est doué d’une espèce d’âme, divinité immanente dans les masses, comme certains philosophes supposent une âme du monde, et qui, à certains momens, les émeut et les pousse ; ou bien si la raison du Peuple n’est autre que l’idée pure, la plus abstraite, la plus compréhensive, la plus dégagée de toute forme individuelle, comme d’autres philosophes prétendent que Dieu n’est que l’ordre dans l’univers, une abstraction ? Je n’entre point dans ces recherches de haute psycologie : je demande en homme pratique de quelle manière cette âme, raison ou volonté, telle quelle, du Peuple, se pose, pour ainsi dire, hors de soi, et se manifeste ? Qui est-ce qui peut lui servir d’organe ? Qui a le droit de dire aux autres : C’est par moi que le Peuple parle ? comment croirai-je que tel qui, du haut d’une escabelle, harangue cinq cents individus qui applaudissent, est l’organe du Peuple ? Comment l’élection des citoyens, voire même leur suffrage unanime, a-t-il la vertu de conférer cette espèce de privilège, de servir de truchement au Peuple ? Et quand vous me feriez voir, comme en un cénacle, neuf cents personnages ainsi choisis par leurs concitoyens, pourquoi devrai-je croire que ces neuf cents délégués, qui ne s’entendent point entre eux, c’est le souffle du Peuple qui les inspire ? Et pour tout dire, comment la loi qu’ils vont faire peut-elle m’obliger ?…..