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ou dès qu’il y avait à remplir un devoir de convenance et de conscience. À cet égard, il était scrupuleux, non moins que généreux. Il se livrait tout entier. Alors, la scène devenait très impressionnante. Humble d’attitude, effacé, perdu dans un rêve, il se transfigurait soudain. Ce grand corps maigre qui semblait défaillir se redressait d’un coup, comme soutenu par une armature d’acier. Le visage rayonnant d’énergie et de lucidité, la voix pleine, Soloviev développait une démonstration où se suivaient, rapides, les raisonnements et les exemples. C’était un jaillissement d’idées, régulier et majestueux. Bien peu d’hommes ont été à ce point maîtres de leur pensée ardente. Sur ses lèvres (comme sous sa plume) deux expressions revenaient fréquemment : « organique » et « déterminé » ; car dans cet esprit rien ne marchait au hasard ; et la fantaisie elle-même suivait une logique.

On le sentait bien ; et pourtant, parfois, pendant quelques secondes, une inquiétude vague mais vive frôlait l’âme des auditeurs. Ici, il faudrait citer encore la page d’Eugène de Vogüé que j’ai reproduite plus haut, celle où sont rendues sensibles l’audace de l’orateur et l’appréhension