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c’est l’empire russe. Et aujourd’hui la Russie est le seul pays de la chrétienté où l’État national affirme sans réserve son absolutisme exclusif en faisant de l’Église un attribut de la nationalité et un instrument passif du gouvernement séculier, et où cette suppression de l’autorité divine n’est pas même compensée (en tant qu’elle peut l’être) par la liberté de l’esprit humain.

Le second terme de la trinité sociale — l’État ou le pouvoir séculier, — par sa position intermédiaire entre les deux autres, est le moyen principal pour soutenir ou bien pour détruire l’intégrité du corps universel. En reconnaissant le principe de l’unité et de la solidarité représenté par l’Église, et en réduisant, au nom de cette solidarité, à une juste mesure toutes les inégalités produites par l’action libre des forces particulières, l’État est l’instrument puissant de la vraie organisation sociale. En se renfermant au contraire dans un absolutisme isolé et égoïste, l’État perd la vraie base immuable et la sanction infaillible de son action sociale, et laisse la société universelle sans défense contre « le mystère de l’iniquité ».

Grâce à ses conditions historiques, la Russie nous présente le développement le plus complet, l’expression la plus pure et la plus puissante de l’État national absolu rejetant l’unité de l’Église et supprimant la liberté religieuse. Si nous étions un peuple païen, il nous serait bien possible de nous cristalli-