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solidarité du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, de l’Église et de l’État, de la chrétienté et de la nationalité. Or cette union et cette solidarité n’existent plus. Elles ont été détruites par la révolte du Fils contre le Père, par le faux absolutisme de l’État national qui a voulu être tout en restant seul, en absorbant l’autorité de l’Église, et en étouffant la liberté sociale. La fausse royauté a engendré les faux prophètes, et l’absolutisme anti-social de l’État a produit nécessairement l’individualisme anti-social de la civilisation progressive. La grande unité sociale, rompue par les nations et les États, ne peut pas se maintenir longtemps pour les individus. La société humaine, n’existant plus pour chaque homme comme une totalité organique dont il se sent une partie solidaire, les liens sociaux deviennent pour l’individu des limites extérieures et arbitraires contre lesquelles il se révolte, et qu’il finit par supprimer. Alors il a la liberté, la liberté que la mort donne aux éléments organiques d’un corps en décomposition. Cette image lugubre, dont les slavophiles ont tellement abusé contre l’Occident, et qui a nourri leur orgueil national, devrait nous inspirer des sentiments tout à fait opposés. Ce n’est pas en Occident, c’est à Byzance que le péché originel du particularisme nationaliste et de l’absolutisme césaro-papiste a, pour la première fois, introduit la mort dans le corps social du Christ. Et le successeur responsable de Byzance,