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aveugle, mais avant tout une obligation morale. L’idée russe, nous le savons, ne peut être autre chose qu’un aspect déterminé de l’idée chrétienne, et la mission de notre peuple ne peut nous être claire qu’en tant que nous entrons dans le vrai sens du christianisme.


IX


Il y a trente ou quarante ans à peu près que des écrivains plus ou moins estimables nous prêchent en France aussi bien qu’en Russie[1] un Christianisme et une Église idéale, le Royaume spirituel de la fraternité libre et de l’amour parfait. C’est là sans doute l’idéal, c’est-à-dire l’avenir de l’Église. La doctrine de ces auteurs est une prophétie. Mais pour ne pas être une fausse prophétie elle devrait nous indiquer la voie droite et les bons moyens pour réaliser cet idéal absolu. Un idéal, s’il n’est pas un songe creux, ne peut être autre chose que la perfection réalisable de ce qui est donné. Serait-ce en reniant le passé de l’Église universelle et en détruisant sa forme actuelle qu’on arriverait au règne idéal de la fraternité et de l’amour parfait ? Ce

  1. J’entends pour la France ce que M. Anatole Leroy-Beaulieu a si bien nommé « l’obscure et impuissante école de Bordas-Dumoulin et de Huet ». (V. Les catholiques libéraux, p. 182). En Russie, les idées de Bordas-Dumoulin ont été adoptées par Khomiakoff, qui employa son talent considérable à populariser ces idées en leur donnant un faux air d’orthodoxie gréco-russe.