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sacrifier aussi facilement. Il a trouvé chez nous un moyen de s’affirmer sans renier ouvertement le caractère religieux inhérent à la nationalité russe. Non seulement on admet que le peuple russe est un peuple chrétien, mais on proclame avec emphase qu’il est le peuple chrétien par excellence et que l’Église est la vraie base de notre vie nationale ; mais ce n’est que pour prétendre que l’Église est seulement chez nous, que nous avons le monopole de la foi et de la vie chrétienne. De cette manière, l’Église qui est en vérité la roche inébranlable de l’unité et de la solidarité universelles devient pour la Russie le palladium d’un particularisme national étroit, et souvent même l’instrument passif d’une politique égoïste et haineuse.

Notre religion, en tant qu’elle se manifeste dans la foi du peuple et dans le culte divin, est parfaitement orthodoxe. L’Église russe en tant qu’elle conserve la vérité de la foi, la perpétuité de la succession apostolique et la validité des sacrements participe quant à l’essence à l’unité de l’Église universelle, fondée par le Christ. Et si malheureusement cette unité n’existe chez nous que dans un état latent et ne parvient pas à une actualité vivante, c’est que des chaînes séculaires tiennent le corps de notre Église attaché à un cadavre immonde, qui l’étouffe en se décomposant.

L’institution officielle qui est représentée par notre gouvernement ecclésiastique et par notre école théologique, et qui maintient à tout prix son caractère