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des disjecta membra de l’homme universel, des tribus et des nations séparées ou partiellement réunies par la force extérieure, quand la vraie unité essentielle de l’humanité n’était qu’une promesse, qu’une idée prophétique. Mais cette idée prit corps au moment où le centre absolu de tous les êtres fut révélé en Christ. Désormais la grande unité humaine, le corps universel de l’Homme-Dieu, existe réellement sur la terre. Il n’est pas parfait, mais il existe ; il n’est pas parfait, mais il s’avance vers la perfection, il s’accroît et s’étend à l’extérieur, et se développe intérieurement. L’humanité n’est plus un être de raison, sa forme substantielle se réalise dans la chrétienté, dans l’Église universelle.

Participer à la vie de l’Église universelle, au développement de la grande civilisation chrétienne, y participer selon ses forces et ses capacités particulières, voilà donc le seul but véritable, la seule vraie mission de chaque peuple. C’est une vérité évidente et élémentaire que l’idée d’un organe particulier ne peut pas l’isoler et le mettre en antagonisme avec les autres organes, mais qu’elle est la raison de son unité et de sa solidarité avec toutes les parties du corps vivant. Et, du point de vue chrétien, on ne saurait contester l’application de cette vérité tout à fait élémentaire à l’humanité entière qui est le corps vivant du Christ. C’est pour cela que le Christ lui-même, tout en reconnaissant, dans sa première parole aux Apôtres, l’existence et la vocation de toutes les nations