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sistante dans son infériorité. Les Bulgares, nos protégés bien-aimés d’hier, nos révoltés tellement méprisés aujourd’hui, seront demain nos rivaux triomphants et maîtres de la vieille Byzance.


IV


Il ne faut pas du reste exagérer ces appréhensions pessimistes. La Russie n’a pas encore abdiqué sa raison d’être, elle n’a pas renié la foi et l’amour de sa première jeunesse. Elle est encore libre de renoncer à cette politique d’égoïsme et d’abrutissement national qui ferait nécessairement avorter notre mission historique. Le produit falsifié qu’on appelle opinion publique, fabriqué et vendu à bon marché par une presse opportuniste, n’a pas encore étouffé chez nous la conscience nationale qui saura trouver une expression plus authentique de la véritable idée russe. Il ne faut pas aller loin pour cela : elle est là tout près, la vraie idée russe, attestée par le caractère religieux du peuple, préfigurée et indiquée par les événements les plus importants et par les plus grands personnages de notre histoire. Et si cela ne suffit pas, il y a un témoignage encore plus grand et plus sûr — la parole révélée de Dieu. Non que cette parole ait jamais rien dit sur la Russie : c’est son silence, au contraire, qui nous montre la vraie voie. Si le seul