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de leurs dessous mystiques. Or, à en faire des œuvres profanes, on les sort de leur ambiance. M. Westarp, lui, en a tenu tous les éléments dans une cohésion parfaite. Rien jamais ne m’a paru plus un. Tout s’engendre, rien ne se rompt, rien ne se heurte. Ce sont les mille arceaux qui se succèdent et dans la perspective s’enjambent, des complications de l’art gothique. Tout est tenu dans une perpétuelle fluctuation des pianissimo les plus moites, les plus subtilement estompés, à un forte chaleureux, ample et sourd, très ménagé, de façon à aboutir par des gradations d’une délicatesse qui les rend à peine sensibles, des gradations qui évoluent dans l’amplitude la plus magnanime, à l’excessif du finale où l’on atteint à une intensité de fournaise et d’éblouissement, à la plénitude d’exaltation enfin, comme sans s’en douter, porté par une marée immense qui a duré tout le laps de la symphonie. Le déluge dut monter ainsi… Et ce n’est pas autrement que cuit du lait ! Tant les moyens les plus naturels sont les derniers dont on s’avise. Combien y a-t-il de chefs d’orchestre qui se doutent que toute symphonie a un point culminant et que tout doit être préparatoire et subordonné à cette minute d’apothéose… Dans toutes ordinairement il y a beaucoup de minutes palpitantes ; il n’y a qu’un paroxysme, et c’est leur manière d’unité. Mais d’unité poussée jusqu’à cette sublimité je n’en connais pas d’autre exemple vraiment : le scherzo y est encastré comme une horloge astronomique dans un beffroi.

Et voici qu’enfin on commence à apercevoir la vraie forme de l’œuvre de Bruckner. On la jouait de plus en plus ces dernières années… Ou plutôt on l’investiguait avec précaution ; on en faisait le tour, des lanternes ou des piolets à la main. Les escarpements étaient si excessifs que l’on parlait de chaos. Sinon d’inondation, ou d’éruption volcanique. On l’envisageait, cette œuvre, un peu en cataclysme dans l’univers musical, en « sublime horreur ». Lui-même, le bon vieux, n’a jamais eu, je crois, d’idées bien précises sur l’exécution de ses symphonies, d’intentions arrêtées pour leur mise au point. Lui vivant, c’est à peine si on le jouait. Il ne s’est peut-être pas entendu dix fois, à l’orchestre, lui, qui laisse neuf symphonies, sans compter celle qu’il brûla par modestie, se disant de bonne foi qu’il était un imbécile. On le lui cornait sans cesse aux oreilles… ! Il restera à M. Westarp la gloire d’avoir été le premier en Allemagne — et