Page:Société internationale de musique. Section de Paris - Le Mercure musical, 1907.djvu/647

Cette page a été validée par deux contributeurs.

infini pendant une grande demi-heure au moins. Puis sans un applaudissement la foule s’est écoulée dans les promenoirs pour un entr’acte de dix minutes, dix minutes où les exaltations sont entrées en contact. L’andante et le scherzo donnés coup sur coup formaient une seconde coupure. Puis encore quinze minutes d’entr’acte. Enfin, en quarante minutes à soi seul le prodigieux finale, son pyramidal entassement, — pyramide renversée — aboutissant d’assises en assises toujours plus majestueuses, au bronze pur de la grande plate-forme terminale, entablement surhumain et tout bronzé de trombones non pas furieux, mais calmes, omnipotents, victorieux dans la sérénité. Puis plus haut : l’air pur, l’espace, et, prolongé autant que possible, pianissimo, l’aire à grands circuits lents d’une paire d’ailes qui planent, éployées.

Un des grands dangers de la musique de Bruckner, et surtout dans la symphonie en question, c’est la quantité des pauses générales dont le maître entrecoupe les alinéas de sa démonstration. Rien de plus lassant à une audition ordinaire : cela crée la sorte de gêne que l’on éprouve à assister aux efforts surhumains d’un asthmatique qui, pour gravir une côte ou abattre une tâche, ahane et peine et doit à tout instant reprendre des forces. Nous avons vu hier l’interprétation à donner à cette ponctuation, le sens de ces espaces vides… Vides ils ne sont plus… Alfred Westarp au lieu de les sophistiquer les a au contraire étalés avec plus d’ampleur encore que Wagner n’en voulait aux silences des premières lignes du prélude de Tristan. Il les a étalés le temps d’un Ave Maria et les voici remplis d’une immense signification. C’est le recueillement du génie et de la prière pour l’adoration : il y a de l’extase dans ces points de suspension, du ravissement de saint-Jean écrivant une apocalypse musicale qui serait claire et rayonnante. De même le trio du Scherzo a été en quelque sorte isolé par une longue attente comme certains campaniles le sont par un grand espace de leur église.

Autre vrai danger par les directions ordinaires. Elles semblent alors, ces symphonies, tumultueuses, désordonnées et pleines de recommencements. Autre défaut d’intelligence ! C’est que le chef d’orchestre de chaque jour les scande exagérément, en met les saillies dans une évidence photographique et y projette la crue lumière d’une absolue incompréhension