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documents et notes sur le velay

Rodrigue et de ses compagnons eut lieu en juin 1439 : cette bande ne devait plus revoir la France.

Rodrigue gravit les Pyrénées avec trois mille combattants[1] au dire des historiens espagnols Çurita et Mariana : il laissait chez nous son ami et fidèle compagnon Jean de Salazar, lequel se mit de suite aux gages de Charles VII, se montra serviteur intègre de ce prince durant la Praguerie, fut disgracié en 1443, reprit du service à l’avènement de Louis XI[2] et mourut à Troyes, le 12 novembre 1479, chevalier, conseiller et chambellan du roi, capitaine de cent lances de son ordonnance, seigneur de Montaignes, Saint-Just, Marcilly, Las, Lauzac et Issoudun. Jean de Salazar fut enterré dans la cathédrale de Sens, dont l’un de ses fils fut archevêque (Cabinet des titres à la Bibl. nat.).

Pour Rodrigue, il ne nous appartient plus depuis le mois de juin 1439. Ses faits et gestes dans son pays natal révèlent un homme d’épée et de conseil, mûri par l’âge, fortifié par les épreuves. Maréchal du prince des Asturies, il n’hésita point à combattre cet héritier présomptif, révolté contre son père, le roi Jean II, et prit une grande part aux luttes intestines qui troublèrent les Castilles. Il devint le conseiller intime de Jean II et garda à ce malheureux souverain une fidélité inviolable. Les historiens espagnols et le poète portugais, Garcia de Rezende, dans sa Chronica dos valerosos e insignes feitos del rey D. Joâo II, de gloriosa memoria, ne tarissent point sur les éloges du comte de Ribadeo. Il faut reconnaître que Rodrigue avait cessé d’être le capitaine d’aventures, l’homme des lippées franches, le forban

  1. C’est le chiffre donné par Fernan Perez de Guzman, Coronica del rey D. Juan II, p. 396, par Çurita, Annales de Aragon, XIV, 58, et Mariana, Histoire d’Espagne, lib. XXI, c. XIV.
  2. La Chronique scandaleuse, ad annum 1465, parle de l’admiration des Parisiens, empressés à se mettre aux fenêtres lorsqu’à la tête de ses Espagnols chevauchait Salazar « monté sur un beau coursier à une moult belle houssure, toute couverte de tranchoirs d’argent, dessus chacun desquels y avoit une grosse campane d’argent doré. Et tout devant ladite compagnée alloit la trompette dudit Sallesart, monté sur un cheval grison ».