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lui-même se signalèrent par maintes prouesses, mais après la victoire le naturel reprit le dessus. « Homme de malicieux engin, dit la Chronique Martinienne, fo 276 vo, Rodrigue exploita merveilleusement en la défense sans y oublier son prouffit » et tira, pour sa part, un butin et des rançons énormes. Le roi le récompensa par le don du château de Pusignan (mars 1431) : au début de la campagne, il l’avait fait son valet d’écurie.

Charles VII avait des principes d’ordre et de gouvernement ; c’est lui qui inaugura les armées régulières : son instinct royal lui inspirait de vives répugnances pour Rodrigue et ses pareils. Qu’était après tout Rodrigue, sinon un mercenaire qui vendait son dévouement, servait qui le payait et ajoutait aux bénéfices de la solde les exactions, les violences, les razzias sur lesquelles un pouvoir débile en était réduit à fermer les yeux ? La royauté, encore mal affermie, tolérait en gémissant ses dangereux défenseurs. Du reste, elle pouvait bien peu en ces crises suprêmes contre les hordes sans drapeau et sans foyer, qui faisaient de la guerre leur seule industrie. Les routiers étaient, pour la plupart, de nationalité étrangère, italiens, écossais, tudesques ; soldats de hasard, aventuriers cosmopolites, voués au dernier enchérisseur, ils poursuivaient uniquement la proie et le lucre et formaient une véritable Internationale. Ce qui caractérise bien les désordres de cette lugubre époque, c’est la défiance de la population, à l’égard de l’autorité légitime. Quand Rodrigue arrivait dans une province, les villes ne songeaient guère à recourir aux représentants du roi : elles traitaient seules avec le capitaine et obtenaient son éloignement par des sacrifices pécuniaires plus ou moins lourds. C’est ainsi que les États d’Auvergne, réunis à Montferrand en janvier 1432, votèrent des fonds pour acquitter le prix auquel Rodrigue, alors à Montpensier, avait fixé sa retraite. Le Sénéchal, Jean de Langeac, assisté d’un banquier de Clermont, Girault Crespai, débattit avec Bodrigue le chiffre du patis ou contribution de guerre. Les consuls d’Ambert furent pris d’une telle panique qu’ils dérobèrent à Antoine de Saillans, bailli d’Allègre, logé dans