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bertrand de chalancon

homme vient leur dire que l’host est sur le point de se mettre en marche contre eux ; — et qu’il a déja levé son camp devant Chasseneuil. — Eux, entendant cette nouvelle, firent allumer un grand feu, — et brûlèrent le château, le lundi sur le soir ; — après quoi ils s’enfuirent la lune clair-luisant. — (Mais) je ne veux plus vous parler des croisés de ce côté ; — il faut que je vous ramène à ceux devers Montpellier. — Le comte Raymond les guide et leur rend de grands services : — il marche toute la journée en avant et les met héberger — par la terre du vicomte, qui lui a cherché guerre, — et qui est le fils de sa sœur.


Tel est le récit rimé par un poète inconnu, depuis le vers 300 jusqu’au vers 342 de cette Histoire de la Croisade des Albigeois, que Fauriel a publiée et traduite pour la première fois en 1837 (Paris, Imprimerie royale, Collection des Documents relatifs à l’Histoire de France.)

Le chantre provençal est un témoin oculaire : il a contemplé toutes les phases de cette lutte sauvage, il suit les envahisseurs pas à pas, il connaît leurs noms, leurs prouesses : il épie chaque jour leurs traces sur le sol ensanglanté, à travers les ruines fumantes de l’Aquitaine. Le sac des villes, les massacres, les pillages, se pressent sous sa plume vengeresse. Son récit porte la marque de la sincérité et se recommande par la précision des détails et une certaine impartialité dans les jugements. De plus, il existe des éléments de contrôle sur l’épisode qui concerne les bandes du Velay. La Chronique de Simon, comte de Montfort, et celle de Guillaume de Puy-Laurens, de même que l’Histoire de la guerre des Albigeois, par Pierre de Vaulx-Cernay[1], ne contiennent pas la moindre allusion à l’évêque du Puy et à ses troupes, mais il existe une autre chronique qui répète de point en point le récit du barde provençal sur les croisés vellaves. Cette chronique, écrite en langue romane, dans le dialecte languedocien, est sans contredit le plus curieux, comme le plus pathétique de tous les documents que l’on possède

  1. Ces trois récits ont été traduits par M. Guizot dans les tomes XIV et XV de sa Collection des Mémoires relatifs à l’Histoire de France, Paris, 1824.