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et de langage ? Oh ! ne calomnions pas la civilisation[1] ! » Il y a beaucoup de vrai dans cette boutade du grave économiste. L’histoire s’est faite jusqu’à ce jour non par le raisonnement, mais par le sentiment. De là des partis pris déplorables ou des infatuations ridicules. Cette influence des sophismes historiques pèse d’un poids si désastreux sur notre conduite publique et privée, que des radicaux moroses se sont pris à envier le sort des peuples sans histoire, comme les Américains, et ont souhaité l’abolition complète du passé de la mémoire des hommes. C’est là un pur rêve : le sommeil d’Épiménide et les eaux du Lethé ne sont que des fables mythologiques. Il est impossible de répudier l’héritage de nos devanciers. Si donc le passé se lie par une trame secrète, mais inexorable, à notre présent, si l’ombre de l’ancien régime plane sur nos conflits actuels, si, en un mot, nous sommes au moral comme au physique les fils de nos pères, l’étude de l’histoire, loin d’être un simple délassement, un jeu d’oisifs, devient une nécessité pratique, un besoin social. « La connaissance du moyen âge, a dit un penseur de nos jours, mais la connaissance exacte et scientifique, sincère et sans parti pris, est pour notre société un intérêt de premier ordre. Elle est le meilleur moyen de mettre fin aux regrets insensés des uns, aux vides utopies des autres, aux haines de tous. Pour remettre le calme dans le présent, il n’est pas inutile de détruire d’abord les préjugés et les erreurs sur le passé. L’histoire imparfaitement observée nous divise, c’est par l’histoire mieux connue que l’œuvre de conciliation doit commencer[2]. »

C’est à la lumière de ces principes que les Tablettes historiques du Velay ont accompli une course déjà longue et fructueuse. Ce modeste recueil, conçu et rédigé sans ambition vulgaire et sans

  1. Lettres d’un habitant des Landes, par Frédéric Bastiat, Paris, 1878. Imprimerie de A. Quantin.
  2. La Justice royale au moyen âge, par Fustel de Coulanges, Revue des Deux-Mondes, 1871, pp. 536 et sq.