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la ligue en velay

ment que le style c’est l’homme, Jacmon n’est guère un homme du XVIIe siècle.

Il est donc vrai de dire, en prenant la littérature comme la mesure assez exacte de l’étiage intellectuel, que le Velay se tint, aux époques de Médicis, de Burel et de Jacmon, un peu au dessous du niveau et qu’il eut de la peine à se soumettre à l’alignement général. Ceci revient tout simplement à reconnaître que le Velay resta, en somme, un pays de tempérament peu révolutionnaire, impatient du joug de la mode, ami de la règle, lent à se mouvoir et à se transformer. Il serait injuste de qualifier de routine cette prédilection de nos pères pour ce qui dure, et de voir un signe d’infériorité dans cette faculté de résistance à l’entraînement des innovations. Après tout, la mobilité n’est point un signe de force : la race saxonne prouve, depuis trois siècles, que la liberté, loin de se refroidir au contact de la tradition, y puise ses armes les plus sûres de propagande et de victoire. Agir lentement, mais procéder à coup sûr, nouer la chaîne des temps au lieu de la rompre, faire du présent l’héritier du passé, bannir les soubresauts, les réactions et les surprises, tel est le programme des peuples sains et vigoureux.

Au temps jadis, le pays vellave n’a cessé d’offrir ce spectacle de solidité et de constance. Très-peu accessible aux révolutions, lourd à se remuer, il gardait ses conquêtes et aliénait rarement le prix de ses sacrifices. Une fois son patrimoine conquis, il s’y tenait avec une âpreté singulière : ses franchises municipales, salaire de tant de luttes, fruit de si longues douleurs, furent maintenues avec une ténacité inébranlable jusqu’au jour néfaste où Louis XIV, ce roi des bourgeois, dit Saint-Simon, et qu’il vaudrait mieux appeler le roi des bureaucrates, ravit à la province toute vie locale. L’amour de l’indépendance s’accordait chez nos pères avec le respect de la tradition, et voilà pourquoi la ville et le diocèse semblent, au moyen âge, marcher et marchent effectivement moins vite que les contrées voisines et suivent le cours des idées plutôt qu’ils ne le devancent. C’est aussi pourquoi nos guerres religieuses sont empreintes d’un carac-