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plutôt à l’âge précédent. Que l’on compare notre bourgeois du Puy au premier auteur venu de Guienne ou de Bourgogne, et l’on sentira la différence ! Par sa prudhomie et sa naïveté, Médicis rappelle bien mieux le temps de Louis XI et de Charles VIII que celui de François Ier. Médicis retarde sur ses contemporains des autres régions et il en est de même pour les chroniqueurs qui lui succèdent : eux aussi se tiennent en arrière de leur siècle. La Velleïade, pure curiosité de collectionneur, ne possède d’autre mérite que celui d’une vieille relique : cette versification laborieuse, empêtrée, bizarre, tranche sur la poésie d’alors, déjà si claire et si limpide. Oddo de Gissey, qui composa son livre en 1620, ne semble point avoir respiré l’atmosphère qui l’entoure. Il relève du XVIe et non du XVIIe siècle : son langage suranné, sa douce bonhomie sentent leur Amyot et leur Montaigne. Il faut bien se garder de nous en plaindre : le tour libre et dégagé, un léger parfum d’honnête gauloiserie, le je ne sais quoi dont se parent les vieilles choses et les vieux discours, constituent le charme principal de ces pieux récits, mais le fait n’en reste pas moins certain : notre hagiographe est un homme d’antan et d’arrière-saison.

La dissonance de notre littérature vellave avec la littérature du dehors éclate spécialement chez Jacmon. Celui-là est un homme du peuple, à peu près inculte et qui écrit à la diable, sur son comptoir, d’où s’exhale une odeur de cuir, un arome commun et vulgaire ; il ignore les artifices de style qui peuvent donner le change ; il est sans fard et sans prétention, et ne possède même pas ce vernis extérieur qui dérobe les lacunes d’une éducation incomplète. C’est à peine s’il parle français ; l’orthographe fantaisiste de son manuscrit dénote l’abus quotidien du patois local. Si Jacmon eût vécu à Tours, à Lyon ou même dans des villes moindres, il eût employé une forme plus correcte, il eût ressenti quelques-unes de ces influences, qui dans les alentours assouplirent et émancipèrent la prose française. Son parler fruste et ses idées courtes accusent un milieu tout imprégné de moyen âge, et si Buffon a dit juste-