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procès-verbaux

Il est fâcheux que M. Delisle ait passé sous silence la belle dissertation que feu M. Philippe Hedde a consacrée au manuscrit de Théodulfe dans les Annales de la Société d’agriculture de 1837-1838, et l’étude que M. Aymard a faite sur le méme sujet dans l’Album d’archéologie religieuse. M. Delisle a fait de très-précieux rapprochements entre notre exemplaire et un manuscrit identique qui sort du même atelier, dirigé au commencement du IXe siècle

    confrère, M. Adrien de Longpérier, prépare avec tant de soin et de dévouement. C’est l’un des plus précieux monuments qui nous soient parvenus du siècle de Charlemagne. Ce volume renferme les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, suivis de quatre opuscules : 1o la Chronographie de Saint-Isidore ; 2o l’Explication des Noms Hébraïques de Saint-Eucher ; 3o la Clé de Méliton. 4o le miroir de Saint-Augustin. En tête sont deux préfaces, l’une en vers, l’autre en prose, rappelant la succession et le sujet des différentes parties de l’Écriture. À la fin, une seconde pièce de vers explique l’utilité, au point de vue de la chronologie, de l’onomastique et de la symbolique des quatre opuscules précités. Les premiers vers de ce morceau annoncent que Théodulfe a fait exécuter cette œuvre pour l’amour de l’auteur de la loi sainte. Théodulfe occupa le siège d’Orléans de 788 jusqu’en 821 ou environ.

    C’est un magnifique spécimen de la calligraphie carlovingienne. Nulle part ailleurs M. Delisle n’a vu de plus remarquables exemples de régularité et de finesse d’écriture. Il n’y a point à proprement parler de peintures, mais l’emploi qu’on y fait de l’or et de l’argent sur des fonds pourprés, l’élégance des inscriptions en grandes lettres enclavées, la pureté et la variété des encadrements de plusieurs pages et des médaillons suffisent pour constituer une très-belle décoration.

    Une tradition locale voudrait que Théodulfe, après avoir fait exécuter cette bible, l’eût offerte à Notre-Dame du Puy. De cette croyance on ne trouve point de trace avant le XVIIe siècle. On se demande d’ailleurs, si telle était la destination spéciale que l’évêque d’Orléans donna à ce manuscrit, comment il ne s’en trouve aucune mention dans les préfaces et dans l’épilogue. Il parait certain que la Bible était déjà au Puy en 1511 ; cela résulte d’une inscription grecque, qui est au folio 314, et nomme Pierre Rostan, chanoine de l’église du Puy.

    La Bible du Puy, très-précieuse en elle-même, prend un nouvel intérêt quand on la compare à un manuscrit similaire conservé à la Bibliothèque nationale, et que M. Delisle met également sous les yeux de ses confrères. Dans les deux volumes mêmes préfaces, même épilogue, même ordre des livres saints, des quatre opuscules, mêmes feuillets pourprés réservés aux mêmes passages, même système de titres courants en petites onciales, même procédé pour l’application de l’or et de l’argent, même pagination, même réglure. Évidemment, ils sont sortis du même atelier que Théodulfe dirigeait, vers le commencement du IXe siècle et qu’il avait établi soit près de la cathédrale d’Orléans, soit dans son abbaye de Saint-Benoist-sur-Loire. Le manuscrit de la Bibliothèque nationale était encore au XVIIIe siècle dans les collections de la famille de Mesmes :