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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

est fort douteux qu’elle amène un réel progrès dans l’enseignement. Les élèves sortiront de l’Institut sans savoir le latin, qu’ils n’auront pu apprendre en trois ans ; ni le français, qu’ils n’auront pu apprendre en deux ans. Ils ne sauront pas l’histoire de l’Espagne contemporaine. L’histoire et l’histoire littéraire leur seront toujours enseignées dans des recueils de biographies et de morceaux choisis, dans des select : e. Enseigner l’histoire de l’art est une idée des plus heureuses dans un pays où le mauvais goût est porté à un excès à peine croyable, mais cet enseignement manquera d’abord de maîtres et l’absence de modèles et la pruderie cléricale seront pour lui de gros obstacles. M. Gamazo recommande les visites aux musées. Très bien ! mais dans les neuf dixièmes des villes d’Institut, les seuls musées sont les églises, et les églises d’Espagne ne sont souvent que des musées… de figures de cire.

Les programmes scientifiques sont beaucoup trop étendus pour être sérieux, et la recherche exclusive des applications pratiques est de nature à fausser les idées des jeunes gens sur le rôle véritable de la science

On ne touche pas aux libros de texto.

Le système des examens, déjà trop lourd, est encore aggravé. L’élève sera interrogé, en première année, sur cinq matières différentes, et sur six matières dans chacune des cinq autres années. Ce n’est certes pas la mer à boire, mais il y a quelque chose d’un peu puéril dans la complication de ce mécanisme. Le baccalauréat supposera 35 épreuves préparatoires, et, déjà, on crie au surmenage : « C’est, dit un journaliste, un décret attentatoire à la vie et à la santé de ceux à qui on veut l’appliquer. Il n’y aura certainement pas de père de famille à vouloir soumettre ses enfants à une sorte de torture à laquelle l’Inquisition n’a certainement pas songe dans ses meilleurs jours ».

En réalité, les pauvres enfants auront trois heures ou trois heures et demie de travail par jour, en première année, et quatre heures et demie dans les cinq autres. La plaisante colère de notre journaliste en dit long sur les causes de la décadence intellectuelle de l’Espagne. Pour relever l’enseignement, il ne suffit pas de charger les programmes ; il faut former des maîtres, les émanciper de la tutelle intolérable du clergé et les soustraire aux caprices des politiciens, simplifier les programmes, demander moins de connaissances et les exiger plus sérieuses, et changer peut-être l’écolier qui ne veut rien apprendre et le père de famille qui veut qu’on ne lui apprenne rien.

G. Desdevises du Dezert.