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NÉCROLOGIE

conférences, l’attachement de ses nombreux élèves, et bientôt, par sa conduite sous les murs de Paris assiégé, la haute estime de ses concitoyens. Quelques années plus tard, il était chargé d’un cours de procédure civile, et c’est dans cet enseignement qu’il puisait l’idée de l’ouvrage qu’il devait bientôt publier, et qui, dès son apparition, faisait autorité sur cette partie du droit. Aussi sa place était-elle tout indiquée dans la commission extraparlementaire de la révision du Code de procédure civile, où sa compétence bien connue lui avait assuré une légitime influence.

En 1880 il succédait au regretté professeur Machelard dans une chaire magistrale de droit romain qu’il ne devait pas quitter. Il était membre et collaborateur actif de la Société de législation comparée, et il avait, pendant plusieurs années, fait partie du Conseil de direction de cette Société.

Enfin en 1896, la confiance de ses collègues l’appelait au décanat, en remplacement de M. Colmet de Santerre, atteint par la limite d’âge.

Garsonnet, n’avait pas déçu nos espérances dans ses nouvelles fonctions. Dans les Conseils de l’Université, il savait défendre chaleureusement les intérêts qui lui étaient confiés. Se souvenant qu’il était le fils d’un universitaire, il plaidait récemment, avec une conviction raisonnée, la cause des études classiques, qu’il considérait comme le préliminaire indispensable des fortes études juridiques.

À la tête de notre Faculté, il avait su, par une constante bienveillance, qui n’excluait pas la fermeté, gagner chez les élèves une popularité bien justifiée. Ses collègues sentaient vivement le charme de son inaltérable bonne humeur, de sa franche cordialité et de la parfaite droiture qu’il apportait dans l’exercice de ses fonctions.

Comme professeur, il se distinguait par la vigueur et la précision de son enseignement. Son exposé portait bien la marque de cet esprit si net et si ferme. Ses qualités maîtresses étaient la promptitude avec laquelle il prenait parti dans les problèmes les plus délicats, et l’énergie qu’il mettait à se maintenir dans les positions acquises.

Comme écrivain, il avait, en 1874, obtenu de l’Académie des sciences morales et politiques un prix pour sa belle Histoire des locations perpétuelles. En 1879, il publiait ce travail, après l’avoir refondu et considérablement augmenté.

En 1888, il avait, pour faciliter à ses élèves la recherche des textes de droit romain, et les encourager à recourir aux sources, réuni en un volume les Fragments juridiques et littéraires, auxquels il attachait le plus d’importance.

Mais ce qui restera son principal titre d’honneur, c’est le Traité théorique et pratique de procédure civile, dont il terminait la première édition en 1897. Dans l’intervalle il avait publié un Précis de procédure civile et un Traité élémentaire des voies d’exécution.

Garsonnet, dans son grand Traité, a fait preuve d’une rare étendue de connaissances, souvent d’une heureuse originalité dans la composition de l’ouvrage et le groupement des idées fondamentales. Toutes les difficultés sont abordées et résolues avec une abondance de renseignements, qui supposent une somme énorme de recherches et d’efforts. L’Académie des sciences morales et politiques lui a, en 1894, décerné le prix Wolowski.

La première édition était à peine achevée qu’elle était épuisée, et elle faisait place, il y a quelques mois, aux trois premiers volumes de la seconde édition, Nous attendions tous avec une légitime impatience les cinq autres volumes. Le mort impitoyable n’a pas voulu que nos espérances fussent réalisées.

L’homme du monde ne le cédait en rien au savant : la sûreté et l’agrément de ses relations lui avaient concilié au dehors, comme parmi nous, de nombreuses et solides amitiés.

Je serai, j’en suis convaincu, l’interprète de tous ceux qui l’ont connu, en adressant, dans ces trop pénibles circonstances, à sa veuve, si cruellement