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LES RÉPUBLICAINS ET L’ENSEIGNEMENT 1830-1848

suivait de ses critiques acerbes l’insuffisance des professeurs, leur paresse, leur admiration béate pour eux-mêmes ; ce naturaliste indépendant qui fit campagne avec Geoffroy-Saint-Hilaire contre le tout-puissant Cuvier, qui brava la dictature scientifique d’Arago, qui accabla de sarcasmes la Faculté de médecine, réclamait sans cesse des laboratoires complets et bien tenus, des bibliothèques suffisantes et pourvues de catalogues, en un mot tous les instruments de travail aujourd’hui considérés comme indispensables aux progrès des Universités[1].

C’est l’enseignement secondaire surtout qui préoccupait les publicistes sous Louis-Philippe, à cause de l’ardente polémique engagée sur la liberté d’enseignement ; il s’agissait du sort de l’Université de France. L’Université inspire aux démocrates deux sentiments opposés : d’une part, ils la trouvent routinière, insuffisante, rongée par les abus ; d’autre part ils la jugent bienfaisante et nécessaire en présence des prétentions cléricales. La Revue républicaine expose en détail les défauts de cette grande corporation : l’Université, dominée par les doctrinaires et les éclectiques, par Guizot et Cousin, leur a emprunté des tendances égoïstes et une indifférence complète pour la morale sociale. Ses élèves apprennent beaucoup de choses, mais ils sont indisciplinés, parce qu’on ne leur parle pas de leurs devoirs, et ils terminent leurs études sans avoir été préparés à devenir électeurs, jurés ou éligibles, sans avoir reçu aucun viatique moral. « Au sortir des bancs, l’écolier le plus complet, à moins que des contacts extra-universitaires ne l’aient mis en bonne voie, n’est en état que de prouver, par la philosophie, qu’on nc peut rien prouver, par l’histoire, que l’égoïsme est une excellente spéculation, par son grec et par son latin, que le français est une langue barbare, par sa rhétorique, que le pour et le contre sont une matière indifférente aux figures de pensée et aux figures de mots »[2].

Le National aussi fait entendre des plaintes fréquentes. Il y a deux corps dans l’Université, les hommes du savoir et les hommes de l’industrie, les professeurs et les administrateurs ; ceux-là se trouvent subordonnés à ceux-ci. L’éducation est livrée aux maîtres d’études, c’est-à-dire à des malheureux qu’on semble avilir à plaisir. Au lieu de leur assurer le minimum de traitement prescrit, les proviseurs prennent au rabais de pauvres diables qui n’ont même

  1. Voir surtout l’introduction du Nouveau système de chimie organique, 2e éd.
  2. Revue républicaine, t. I, p. 289 sqq. L’auteur anonyme de cet article critique annonçait un plan de réorganisation ; la prompte fin de la Revue, tuée par les lois de septembre, l’empêcha de tenir sa promesse.