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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

la Nièvre, s’était fait connaître par de vigoureux pamphlets contre les puissants du jour[1].

Pour l’enseignement supérieur, les publicistes républicains demandaient un développement notable et une liberté complète. Deux établissements surtout, le Collège de France et l’École polytechnique, leur paraissaient dignes d’admiration. Le National, la Réforme, la Revue indépendante parlent à leurs lecteurs des principaux cours du Collège de France, les résument, les discutent. Quelquefois, c’est pour combattre les théories des professeurs : ainsi Godefroy Cavaignac critique le cours d’économie politique de Michel Chevalier, en reprochant à l’ancien apôtre saint-simonien d’être devenu un défenseur du « laissez faire, laissez passer ». Mais le plus souvent il s’agit de louer les maîtres aux vues nouvelles et généreuses, par exemple Rapetti consacrant son cours de législation à l’histoire de la propriété, puis surtout les deux grands éducateurs aux tendances démocratiques, Michelet et Quinet. La Revue indépendante écrivait en &843 : « Si la liberté de la pensée venait jamais à être étouffée chez nous au milieu de nos orages politiques, elle trouverait encore un dernier refuge dans le Collège de France »[2]. — L’École polytechnique inspire une véritable tendresse au parti à cause de ses origines révolutionnaires et de son rôle en juillet 1830. Le National, sous l’impulsion d’Arago, crie au sacrilège dès qu’on prend une mesure qui pourra faire baisser le niveau de l’École : ainsi l’ordonnance imposant aux candidats le baccalauréat lui paraît funeste, parce que leurs connaissances scientifiques diminueront au profit de la culture littéraire[3]. Les Facultés attirent moins l’attention ; celles de province ne comptent pas ; celles de Paris sont mentionnées rarement, excepte celle de droit, dont les études touchent de si près à la politique. Ledru-Rollin, par exemple, se plaint que l’enseignement du droit demeure figé dans l’exégèse admirative du Code Napoléon, et conseille aux professeurs plus d’indépendance, plus d’initiative[4]. En somme les écrivains républicains, pas plus que les autres, ne croient au besoin d’une transformation complète dans l’enseignement supérieur. Raspail faisait exception et pour-

  1. Un plan complet d’enseignement primaire avait été présenté en 1837 par Auguste Billiard dans son Essai sur l’organisation démocratique de la France, L’auteur, ancien préfet, ancien secrétaire général au ministère de l’intérieur, avait une compétence administrative qui fit remarquer son livre. Il remplace la commune par le canton ; c’est à la cité cantonale qu’il confie le soin de l’enseignement, sous la surveillance du Conseil départemental et du Conseil national, qui tient lieu de Sénat dans son projet de Constitution.
  2. Revue indépendante, t. VII, p. 458.
  3. National, 27 mai et 23 septembre 1842.
  4. Revue indépendante, 2e série, t. VIII, p. 363 sqq.