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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

d’une république. L’école classique, depuis la Renaissance, a été dans une large mesure l’école de la liberté. Cette éducation du citoyen par l’histoire, le latin, la morale et les lois civiles devrait à mon sens être, avec les sciences et les humanités, le fondement de l’enseignement secondaire.

Ce plan se rapproche beaucoup de notre enseignement actuel où l’on commence Île latin en sixième vers onze ans ; il suffirait de supprimer les classes préparatoires au baccalauréat : mathématiques élémentaires, rhétorique et philosophie. Le temps n’est pas si loin où elles étaient très peu nombreuses, pour qu’on ait besoin d’aucune révolution. Pour les maîtres peu de changements : aux enfants de dix à douze ans (classes inférieures) des professeurs licenciés d’anglais et licenciés ès lettres — dans les classes supérieures des agrégés de sciences et d’anglais ; des agrégés de lettres, — grammaire et lettres réunies, comme le demandait M. Croiset.

Loin d’être réduit, le nombre de ces établissements d’enseignement secondaire devra être augmenté, ou mis tous d’abord, collèges et lycées, sur le même rang. En passant, je vous signalerai un mal profond à guérir. S’est-on jamais demandé pourquoi Laon, avec ses 13.000 habitants, avait obtenu un lycée, des agrégés, pourquoi Dunkerque avec ses 40.000 habitants, Boulogne, avec ses 45.000 habitants, étaient encore réduites à leurs collèges, à des licenciés ? Pourquoi Lisieux, 18.000 habitants, avait un collège ; Alençon, 18.000 ; Coutances, 8.000 ; Pontivy, 9.000, des lycées ? Ce que je ne vois pas bien non plus, c’est pourquoi Coutances, avec ses 8.000 habitants, a un grand lycée, et Pont-Audemer, avec ses 4.000, pas même un collège ? Pourquoi Marseille, avec plus de 450.000 habitants, n’a qu’un lycée, et Paris, qui a juste à peu prés six fois la population de Marseille, 16 lycées ? H semble que tout cela se fasse au hasard, par tradition, sans aucune méthode.

Le même hasard a présidé en de certaines villes à la constitution d’un enseignement, primaire supérieur, dont les 20.000 élèves devraient se confondre avec ceux de l’enseignement moderne, si cet enseignement cessait d’être une préparation aux études supérieures. C’est le cas à Angers, à Nantes, à Toulouse, à Bourges, à Orléans, à Châlons-sur-Marne, Toulon, Besançon, à Dole, à Bayonne, à Pau, à Saint-Lô, à Elbœuf, Chambéry, à Ambert, à Moulins, Cusset-Vichy, Dijon, Sens, Grenoble, Montélimar, Valence, Douai, Valenciennes, Charleville, Calais, Amiens, Roanne, Saint-Étienne, Montpellier, Châlon-sur-Saône, Perpignan, Nancy, Poitiers, Tours, Constantine. Combien pour beaucoup de ces villes dont la population est moyenne, et même faible, ne sent-on pas l’inconvénient de ces doubles emplois ? Il est urgent à mon sens de réviser cette carte, d’établir des lycées d’enseignement secondaire, partout où il en manque, d’y réunir les écoles primaires supérieures, ou de transformer ces écoles en écoles professionnelles, agricoles et industrielles. Au fond ces lycées devraient s’appeler des collèges. Mais on froisserait bien des amours-propres, on compromettrait l’œuvre si l’on retirait aujourd’hui à certaines villes le droit au lycée. On recommencerait la faute commise lorsqu’on a créé l’école primaire supérieure en 1833. Qu’importe le titre : hâtons-nous de l’accorder, avant que beaucoup de collèges ne se soient transformés en lycées préparant à l’enseignement supérieur, pourvus de classes de philosophie, de mathématiques spéciales où l’État distribue à grand frais à quelques rares élèves une culture inutile à la plupart. J’ai déjà vu assez de lois le fait se produire pour souhaiter qu’il ne se généralise pas.