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POUR LE BACCALAURÉAT


On va peut-être supprimer le baccalauréat, mais sûrement on le remplacera par un autre examen. S’il est vrai qu’on ne détruit que ce qu’on remplace, encore faut-il qu’on gagne au change. El si on ne change pas les mœurs et la pratique des examens, quelque examen que l’on organise, on n’aura rien gagné. Au risque de paraître réactionnaire ou plutôt révolutionnaire et fantaisiste, je propose de garder — provisoirement, c’est-à-dire pour longtemps encore — le baccalauréat.

Je tiens à déclarer que j’applaudis à toutes les éloquentes — et même aux violentes protestations qu’il soulève. La mode est à la violence même contre l’Université ; et l’on ne peut pas avoir pendant vingt ans préparé ou interrogé des candidats au bachot sans se laisser, par moments, aller à la mode de le bafouer. Et je suis autant que personne navré du vide et du néant que présente l’esprit du pur candidat, épouvanté aussi de l’avenir que nous ménagent les jeunes gens qui n’auront été que des candidats à des examens primaires, secondaires ou supérieurs. Il faut donc supprimer le baccalauréat ! — Oui, si l’on extirpe ainsi le mal, et si l’on transforme l’esprit des études ; non, si l’on ruine, en supprimant toute sanction des études secondaires, toute culture générale, bientôt tout enseignement secondaire, ou si l’on rétablit une autre sanction qui dans dix ans aura mérité la mort. I faut que les élèves travaillent pour s’instruire, et ils ne s’instruiront vraiment que s’ils ne préparent pas un examen ; nous en sommes tous d’accord, et pour les élèves de toutes les écoles. Mais à ceux qui auront ainsi fait on ne pourra en refuser le témoignage et le droit de s’en servir ; c’est, aussi bien, l’intérêt de la société. Et l’on aura des hésitations, au moins pour les élèves moyens ; et il y aura entre ces témoignages de provenance très diverse (je les suppose tous consciencieux, pour simplifier) des différences, des inégalités où le public ne saura plus se reconnaître : et l’on rétablira des garanties communes avec un ou plusieurs examens, d’abord pour certaines catégories d’élèves, bientôt et nécessairement pour tous les élèves. Voilà pourquoi il faut garder le baccalauréat, même avec son nom un peu déconsidéré, mais toujours clair et commode.

Mais il faut aussi le relever, et ne lui conserver la vie qu’en le rendant digne de vivre. Je suis convaincu que deux ou trois réformes terre-à-terre, très simples, très prosaïques — par là même très difficiles, mais non impossibles après tout — y pourraient suffire. Laissons de côté la question du jury ; là n’est pas l’essentiel, et j’accepte toutes les modifications que l’on voudra pourvu que le jury soit et suit regardé comme compétent et impartial. — Pourquoi le baccalauréat est-il détestable ? Parce qu’il est