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LE TRAVAIL EN PROVINCE

On vante souvent les avantages dont jouissent les hommes d’étude qui habitent la province ; et quelques écrivains essaient de donner un démenti à l’opinion courante, d’après laquelleon ne pourrait travailler qu’à Paris[1]. On cite de grands savants qui ayant choisi pour résidences de toutes petites villes n’en ont pas moins donné au monde de belles productions. Sans parler de Buffon qui découvrit à Montbard les grandes lignes de l’histoire de la nature, on se rappelle la vie de Darwin et de Borghési ; et, plus près de nous encore, M. Renouvier, lout en passant son existence dans sa villa de la Verdette, a donné à la philosophie contemporaine l’impulsion que l’on sait.

Doit-on conclure de ces faits, remarquables sans doute, que le travailleur provincial n’ait rien à envier au parisien ? S’il est vrai que quelques savants ont mené à bien leur œuvre dans quelque bourgade perdue, quand les circonstances ou leur condition personnellement mis à leur disposition les ressources nécessaires, est-on en droit de soutenir que tous les hommes d’étude ont les mêmes facilités ?

Qui travaille surtout en province ? Je ne parlerai pas de ces savants « amateurs », fouillant l’histoire locale : par le choix même qu’ils ont fait de leur étude spéciale, ils sont outillés pour la fin qu’ils poursuivent ; c’est le professeur de l’Université qui attirera surtout notre attention, car il est le véritable travailleur, D’abord, c’est son devoir de se tenir au courant des nouveautés, pour élargir et fortifier son enseignement ; ensuite, il arrive qu’il se sente le désir et la force de contribuer lui-même à la science, et de produire une œuvre de longue haleine. S’il a fait ses études à Paris, habitué aux richesses intellectuelles qu’il a maniées si longtemps, trouvera-t-il, dans la ville de province où l’enverra le hasard d’une nomination ministérielle, des matériaux suffisants, et toujours à sa portée ? D’une façon générale, les moyens sont-ils en rapport avec les bonnes volontés ?

Les ressources dont peut profiter le professeur de province sont de trois sortes : les bibliothèques universitaires, les bibliothèques municipales, et les bibliothèques des lycées.

Sans entrer dans le détail de leur fonctionnement, examinons si ces trois dépôts scientifiques suffisent toujours à l’homme d’étude. Les bibliothèques universitaires sont, en général, très bien orga-

  1. Voir surtout Renan : Feuilles détachées, pp. 93 et suiv. — Lavisse : Études et Étudiants : p. 207. — Pavot : Éducation de la volonté, n. 233.