Page:Société de l’enseignement supérieur - Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899.djvu/323

Cette page n’a pas encore été corrigée
317
UNE NAISSANCE EN ORIENT

et l’autre regardant le Midi, et arrivant rapidement à une entente parfaite. La discussion en effet ne fut pas longue ; l’ardent patriote s’engagea au nom de la France à fournir les fonds nécessaires à l’établissement et au fonctionnement d’une école de médecine, et le missionnaire à l’organiser et à en assurer le succès.

Le projet cependant ne fut pas immédiatement mis à exécution. Pour commencer la lutte le cœur ne manquait pas au missionnaire ; il était missionnaire et Français, mais il avait entre les mains une arme avec laquelle il était bien peu familiarisé, une école de médecine à organiser ; et puis on se trouvait en Orient. En Orient les notions de durée et de temps semblent vagues ; Si vous ne mettez que deux mois à faire ce que partout ailleurs vous mettriez deux jours à parfaire, vous serez tenu pour très pressé ou au moins pour expéditif, On se hâta donc à l’orientale, et l’ouverture fut annoncée pour octobre 1883. À cette date se présentait un groupe de neuf étudiants pour commencer leurs études de médecine ; c’étaient bien les hôtes attendus et désirés, mais ils arrivaient un peu trop tôt et en pleins préparatifs pour les recevoir. Ils étaient impatients, mais il fallait encore deux mois pour terminer les aménagements, lorsqu’une dépêche venue de France brusqua la position « ordre d’ouvrir sans délai ». On disposait d’un professeur de botanique et de zoologie, d’un professeur de chimie et d’un jeune docteur de la Faculté de Montpellier, arrivé le premier pour la chaire de gynécologie et d’obstétrique, lequel s’offrit volontiers pour commencer le cours d’anatomie, Ce n’était pas luxueux comme corps enseignant, ce l’était encore moins comme installation provisoire. On se trouvait d’un côté très pressé d’entrer, de l’autre très pressé d’ouvrir. Le professeur de chimie pouvait affronter la difficulté : il ouvrit, et le lendemain, dans une salle qui quelques semaines après devait être amphithéâtre, installé à une table quelconque, il donna sa première leçon devant neuf étudiants qui ne disposaient que de huit chaises pour s’asseoir. Il lui fallut un brin de patriotisme dans le cœur pour garder son sérieux devant ses auditeurs tout surpris d’entendre parler atomes et combinaisons, mais tout radieux d’appartenir à une Faculté française.

La petite Faculté venait de naître ; la Faculté américaine salua sa future rivale d’un sourire de compassion, et une célébrité médicale de la colonie française, très estimée et honorée d’ailleurs, se hâta de poser son diagnostic : « La Faculté n’est pas née viable, ou si elle vit, elle ne produira jamais que des avortons ». La suite montra que cette naissance prématurée avait égaré le docteur dans son diagnostic ; ces neuf premiers étudiants, en effet, lorsqu’ils furent ad-