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L’ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE CHINOISE

cause d’embarras quoi que nous en ayons, il nous faudra user, à titre accessoire seulement, de plusieurs des termes habituels de la grammaire, mais nous nous rappellerons toujours que les énoncés formulés de la sorte sont partiels, qu’ils découpent dans les faits grammaticaux chinois des fragments isolés, nous rapprocherons les divers énoncés ainsi obtenus pour nous faire une idée aussi complète que possible de la loi que chacun exprime partiellement. Nous tâcherons ainsi de compléter les grammaires existantes par l’étude des mots pleins et de leurs rapports avec les mots vides : tel est l’essai que nous tenterons cette année, sans négliger d’exposer aussi les règles des mots vides, à peu près telles qu’elles ont déjà été formulées.

Quant à la méthode, puisque nous avons à notre disposition des textes nombreux, nous puiserons des exemples dans ces textes ; nous rapprocherons les groupes de mots, les propositions, les phrases en raison de leur analogie de construction, de leur similitude de valeur formelle, en ayant soin d’aller des groupes peu nombreux aux groupes plus nombreux, du simple au complexe ; nous nous efforcerons en même temps, par l’analyse des expressions, d’y séparer la partie concrète, le sens, de la forme grammaticale abstraite, d’atteindre les modes généraux de la pensée chinoise, modes dont le lettré n’a guère conscience, mais qui n’en existent pas moins, de ranger enfin logiquement ces modes généraux sous des lois encore plus générales, qui ne sont autres que la distinction des caractères en pleins et vides, l’emploi des premiers en qualité de morts ou de vifs, les règles de position enfin qui en résultent et dont nous aurons à examiner l’application à l’union des mots en petits groupes équivalant à la formation des mots dans les langues d’un autre type, au groupement aussi des mots simples ou complexes en propositions, des propositions en phrases, ce qui correspond aux règles d’accord et à la syntaxe. Nous construirons ainsi une grammaire raisonnée, se dégageant des textes mèmes. Les exemples seront pris dans les livres classiques, les historiens de l’époque des Han et des Thang, le style officiel contemporain et nous mettront sous les yeux trois formes assez différentes de la langue chinoise ; si l’occasion s’en présente, je recourrai aussi aux poésies, aux œuvres des philosophes, aux documents officiels ou lapidaires anciens ou modernes ; je ne négligerai pas de citer quelques faits tirés du style des romans et de la langue parlée et qui montreront où en est arrivée l’évolution du langage chinois : on peut dire, en effet, d’une façon générale que les chefs-d’œuvre de l’époque des Thang et des Song ont fixé la langue, en ont arrêté le développement pour les genres proprement lit-