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L’UNIVERSITÉ DE PARIS SOUS PHILIPPE-AUGUSTE

tendait à gagner du terrain et à toucher le but sans moyens révolutionnaires.

L’histoire des origines des Universités françaises n’est pas autre chose, en ce sens, qu’un épisode d’une évolution beaucoup plus générale : celle qui tendait, depuis le commencement du moyen âge, à établir la monarchie pontificale au-dessus des pouvoirs ecclésiastiques locaux. Il eût été surprenant que, dans le domaine si important de l’instruction publique, la prépondérance de Rome n’eût pas cherché à s’affirmer. Sur ce terrain, il y avait matière à conquête, et la conquête s’est réalisée par l’union étroite de la papauté avec les organismes scolaires. Au point de vue des intérêts supérieurs de l’instruction et de la science, il n’y eut pas lieu de la regretter.

II

Dès le règne de Philippe-Auguste, l’Université de Paris tient une place considérable dans la société française, et elle est un objet d’admiration pour l’Europe entière. À la date de 1169, un roi d’Angleterre avait déjà parlé d’elle comme d’une puissance morale dont l’opinion ou le jugement devait faire loi. En lutte avec l’archevêque Thomas Becket, le fondateur de l’empire des Plantagenets, Henri II, s’était déclaré prêt à accepter l’arbitrage « soit de la cour du roi de France, soit du clergé français ; soit de l’école de Paris »[1]. Au temps où Philippe-Auguste succédait à son père, l’abbé de Bonne-Espérance, Philippe de Harvengt, écrit à plusieurs de ses amis pour les féliciter de pouvoir étudier à Paris, la « cité des lettres ». « Heureuse cité, ajoute-t-il, où les étudiants sont en si grand nombre que leur multitude en vient presque à dépasser celle des habitants laïques »[2].

Dans une lettre qui a dû être écrite un peu avant 1190[3], un clerc champenois, Gui de Basoches, envoie, de Paris même, où il habite, un éloge dithyrambique de la ville royale, attrayante entre toutes. « Le Grand pont est le centre des affaires : il est encombré de marchandises, de marchands et de bateaux. Le Petit pont appartient aux dialecticiens (logicis) qui y passent ou s’y promènent en discutant. Dans l’île (la Cité), à côté du palais des rois qui domine

  1. « Aut scolarium Parisiensium. » Lettre de Thomas Becket à l’archevêque de Sens.
  2. Migne, Patrol. lat., t. CCIII, col. 26.
  3. Chartul. Univ. Paris., p. 55.