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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

soin local ou à une fantaisie individuelle, et qui pourra être par certains côtés très désintéressé, et par suite très décidément secondaire, et par d’autres, aussi pratique et utilitaire que possible, et par suite nettement primaire supérieur ou professionnel ? La confusion est d’autant plus grande que, l’enseignement primaire étant soumis à un certain contrôle gouvernemental et l’enseignement secondaire étant absolument libre, un grand nombre de chefs d’institutions primaires ont déclaré leurs écoles comme appartenant au type secondaire, et que, en conséquence, ces écoles ont été confondues dans les statistiques avec celles qui ont vraiment le droit d’être rangées parmi les établissements d’enseignement secondaire. On voit que, s’il est assez difficile de savoir où s’arrête, du côté du sommet, l’enseignement secondaire anglais, il est à peu près impossible de savoir où il commence, du côté de la base. Les statistiques confondent des écoles où un millier de jeunes gens se préparent aux grands emplois de l’État ou aux places les plus élevées dans la société, comme Eton et Harrow, avec les plus minuscules des écoles maternelles privées. On est bien fondé ici à éprouver quelque chose de la surprise ingénue dont ne pouvait se défendre Alphonse Karr quand il voyait voisiner, dans les classifications botaniques, un palmier géant et une plante en pot.

Comment remédier à ce chaos ? Faut-il démolir l’édifice tout entier et rebâtir un nouveau système ? Ou doit-on s’efforcer de tirer le meilleur parti des éléments existants afin de produire le maximum d’effet utile avec le minimum de perturbation ? La réponse ne saurait être douteuse un seul instant. L’esprit anglais est très évolutionniste et très peu révolutionnaire, aussi disposé à tout modifier, qu’opposé à rien abolir. Dans le cas qui nous occupe, il sent très vivement que le système dont nous venons de donner une idée, si hétérogène et chaotique qu’il soit, est un des organes vivants de la vie nationale, et il a un trop grand respect de la vie pour vouloir risquer de la compromettre par une opération chirurgicale radicale, mais imprudente. En un mot, la seule chose possible et peut-être la seule chose souhaitable est une réorganisation et non une création de novo.

Ceci étant admis, il reste à savoir ce que devra être cette réorganisation. À qui faut-il en confier le premier soin ? Aux autorités locales ou au pouvoir central ? Une expérience antérieure peut nous aider à répondre à cette question. Elle avait donné aux autorités locales des pouvoirs assez étendus, dont celles-ci ne purent faire usage, par suite de rivalités entre les divers corps et conseils qui les constituent. Le résultat serait le même aujourd’hui. Et, en admettant que ces rivalités ne paralysent pas leur action, il est fort douteux que, à l’heure actuelle, en présence des difficultés de l’œuvre à accomplir, les autorités locales se décident à entreprendre cette œuvre ou l’entreprennent avec une suffisante compétence. C’est donc vers le pouvoir central qu’il faut se tourner. Le malheur est que, en matière d’éducation, il n’y a pas, en Angleterre, de pouvoir central. Nous n’avons pas de ministre de l’Instruction publique, le Lord Président du Conseil Privé, qui en tient la place, n’en exerçant que fort peu les fonctions. Et, d’autre part, le contrôle central, en matière d’enseignement, au lieu d’appartenir à une seule administration, est partagé entre quatre corps, conseils ou rouages administratifs divers.

La première chose à faire, par conséquent, doit être la création d’un Ministère de l’Instruction publique concentrant les pouvoirs actuellement