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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

ternational public sont étudiés avec beaucoup de peine, faute de connaissances historiques suffisantes, et nous n’oserions pas reproduire ici les bévues monstrueuses devant lesquelles l’examinateur reste abasourdi ; elles se produisent même à propos d’événements contemporains, dont l’étude appartient pourtant au programme de la classe de philosophie, la dernière faite avant l’entrée de nos élèves à la Faculté. Enfin le mouvement général des idées philosophiques est fort mal connu et cette ignorance est un obstacle aux études de droit public général, d’économie politique et de droit pénal,

Voilà le triste aveu que votre commission n’a pas voulu ne point consigner dans ce rapport. Elle n’est pas, au reste, la première à le faire. Cet aveu, déjà fait, est l’argument principal invoqué en faveur du projet qui vous est soumis. Si la faiblesse des bacheliers ès lettres est si grande, dit-on, n’importe-t-il pas de les fortifier avant d’en faire des étudiants en droit ? Et la façon la meilleure de les fortifier n’est-elle pas de leur imposer une année d’études préparatoires dans une Faculté des lettres ?

D’accord sur les prémisses, nous ne pouvons nous associer aux conclusions. Elles nous paraissent inacceptables pour deux raisons.

En premier lieu, le mal auquel il faut porter remède est trop grave pour que le remède proposé soit efficace. Ce que les étudiants en droit ignorent et auraient besoin de savoir, c’est, avec le français, le latin, l’histoire générale et des éléments de philosophie ; en un mot, l’éducation secondaire, dans son ensemble, est à refaire. Croit-on vraiment qu’une année d’études dans une Faculté des lettres puisse combler les lacunes restées béantes après neuf ans de séjour dans un lycée ? Nous en doutons, pour notre part. L’insuffisance initiale de nos élèves vient des études secondaires et c’est dans une reforme des études secondaires que le remède doit être cherché. Où réside, d’une manière exacte, la cause du mal ? Vient-il des programmes ou des méthodes ? Le baccalauréat est-il le seul coupable, comme on l’a prétendu sérieusement ? Toutes questions très délicates, dont on n’attend pas que nous cherchions ici la solution. Nous constatons le mal ; nous n’avons pas la prétention, ni la mission d’en déterminer les causes et de préconiser un spécifique. On nous propose un remède, et celui-là nous semble inopérant. La comparaison triviale du cautère appliqué sur une jambe de bois n’est-elle pas ici vraiment de mise ? L’instruction secondaire de ceux qui frappent à la porte des Facultés de droit est à refaire ; que parle-t-on de la perfectionner en un an ?

Une seconde raison s’ajoute à celle-là. Quand même les Facultés des lettres pourraient accomplir ce sauvetage, devraient-elles se vouer à cette tâche ? Nous n’en aurions pas le désir, si nous étions à leur place. Une Faculté doit être une école de haut enseignement, de haute culture intellectuelle, et telles sont les Facultés des lettres quand elles préparent leurs : élèves aux divers examens de licence ou d’agrégation, quand elles répandent autour d’elles, par les cours publics, le trésor des idées générales. L’enseignement préparatoire, qu’elles aspirent à donner aux futurs étudiants en droit, ne serait pas digne de leurs efforts. Qu’on y prenne bien garde, en effet. Si l’on confie aux Facultés des lettres le soin de refaire l’instruction secondaire de nos élèves, on va les transformer par là-même en établissements d’enseignement secondaire. Le programme à parcourir est tellement étendu qu’il faudra quatre ou cinq heures d’exercices tous