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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

qui prépare et crée l’avenir au lieu de le subir, que dans une telle patrie une réforme d’éducation, le jour où elle paraît convenable, a été préparée, appelée, critiquée, préconisée, voulue et qu’enfin elle tombe de haut sur un sol qui l’attend, la sollicite, s’élève pour ainsi dire d’avance au-devant d’elle, qu’elle y tombe non comme une aventure, mais comme un phénomène désiré et même suscité, qu’elle y tombe sur un sol fécond et labouré, non, ainsi que chez nous, comme la pluie sur le roc.

Non, mes chers collègues, je ne vous fais pas injure en vous avertissant, en vous suppliant de vous corriger, de vous améliorer, d’exercer dans une fonction pensante votre faculté de penser et en vous appelant par là à aérer vos classes et à prendre dans la nation la place et le mouvement qui conviennent à vos talents, à votre extrême dévouement et à vos vertus.

Et que chacun excuse la chaleur que j’ai mise à tout ceci. La bouche a parlé de l’abondance du cœur. Si je tais mes efforts oraux, publics, privés et si je compte pour quelque chose mon travail sur la pédagogie allemande qui, pour avoir été jadis accueilli à l’étranger, n’a produit, que je sache, aucun effet en France, c’est la troisième fois que je pousse un semblable appel.

La seconde fois, ce fut dans la Revue de métaphysique et de morale[1], et à constater le silence profond, absolu où tombèrent mes propositions, j’aurais pu croire qu’en les faisant, j’avais rêvé, si, pour me consoler, à M. Hartmann, le vaillant et illustre pédagogue saxon, l’auteur des « Impressions de voyage d’un professeur allemand en France » qui sont bien le document le plus complet et le plus instructif que nous ayons sur notre propre enseignement[2], si à cet homme éminent et perspicace ces propositions n’avaient paru l’aboutissant le plus logique et le meilleur de ses investigations et de ses réflexions.

Mais je n’y tiens pas exclusivement, à ces propositions, et je serais même bien disposé à les élargir, si je ne voulais me garder de faire à mon tour un programme et si l’essence de mon désir n’était justement que la pédagogie fut faite non par quelqu’un, mais par tous.

Oh ! si j’avais seulement la force de sonner assez de la trompette pour faire tomber les murailles de Jéricho-la-Routine !

Georges Dumesnil,
Professeur de philosophie à l’Université de Grenoble.
  1. Juillet 1895.
  2. Reiseeindrücke und Beobachtungen eines deutschen Neuphilologen in der Schweiz und in Frankreich, Leipzig, Stolte, 1897, v. pp. 191-192, à la fin de l’ouvrage.