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POUR LA PÉDAGOGIE

Est-ce que je veux dire qu’ils auraient raison sur le fond ? Pas du tout, en ce sens que j’admets très bien (mais mon opinion n’importe guère après tant d’autres qui ont plus d’autorité) qu’il y ait fort à faire pour accommoder notre système d’éducation aux temps qui sont venus. Mais je veux dire que, s’il existe, comme il pourrait bien être, ce déplaisir des hommes qui seront chargés de vivifier la nouvelle éducation suffirait À en assurer l’échec, à défaut de leur incompétence et malgré l’extrême bonne volonté qu’ils ne manqueront pas d’y mettre, étant de braves gens.

Et je veux dire qu’ils ont raison de penser, sans vouloir s’en trop plaindre, que ce n’est pas le meilleur moyen d’utiliser leur zèle que de leur prescrire, fût-ce par des lois, des modifications continuelles de leurs efforts et des changements de système qu’ils n’ont pas appelés de leurs souhaits.

— Mais s’il y a vraiment bien des choses à changer et si beaucoup de professeurs ne souhaitent pas de changement, ils ont tort. — Non, dites que c’est fâcheux et cherchez-en la raison. Elle gît tout entière dans ce fait qu’on a honte, mais qu’il ne faut pas se lasser de signaler de nouveau après Spencer : c’est qu’il y a une théorie qu’il faut connaître et qu’il faut apprendre à mettre en pratique pour la production des belles races d’animaux, le dressage des chiens, l’élevage des chevaux, des pourceaux et des taureaux, mais qu’on estime qu’il est superflu de faire un apprentissage et de réfléchir à la théorie de sa fonction, quand il s’agit d’élever des hommes et d’éduquer des races d’hommes.

Au train dont marchent les choses, la France sera bientôt le seul des pays de grande civilisation consciente où la pédagogie (j’entends des gens qui disent : ah ! fi ! le vilain mot !) demeurera matière à plaisanteries en ce qui concerne l’enseignement secondaire, car Je ne vise que l’éducation des classes moyennes de notre société ; et si on a pu attribuer au maître d’école allemand des victoires auxquelles il suffit de dire qu’il n’a pas été étranger, on commence peut-être à s’apercevoir de ce qu’il nous en pourra coûter d’avoir des classes moyennes qui n’aient pas subi dans leur jeunesse l’excitation d’une pédagogie vivante, remuante, en éveil et en mouvement.

Je voudrais que quelqu’un nous mit à plein sous les yeux ce qui se fait à cet égard chez nos concurrents, les Allemands et les Anglo-Saxons des Deux-Mondes.

Le mal est d’autant plus grave qu’il n’est pas senti. Tel collègue de l’enseignement secondaire qui m’aura peut-être lu jusqu’ici avec un peu de complaisance, au moins par places, va se cabrer maintenant et murmurer : « Que nous veut-il à son tour, celui-ci, avec sa