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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

tifique, le besoin de pousser la science plus loin en luttant contre l’inconnu. Le professeur de l’Université, qui sait que sa mission spéciale est de former des savants, ne se borne pas à apprendre à ses élèves le connu de la science : il leur montre l’inconnu, comme un général montre à ses soldats le bastion ennemi. Il leur enseigne les méthodes par lesquelles on peut y atteindre ; il cherche à développer l’esprit d’initiative et de méditation.

Pour répondre à cet enseignement, il faut à l’élève deux facteurs indispensables : le temps et la liberté. L’Université les lui donne. S’il ne peut faire ses études en un ou deux ans, il en mettra trois ou même quatre. Le séjour qu’il fera sur les bancs n’est nullement limité. Il peut suivre les cours qui lui conviennent et rien que ces cours, s’il veut creuser une spécialité ; il trouvera toujours des maîtres dévoués qui chercheront avec lui.

Certainement, il y a dans les Universités, comme partout, des hommes autoritaires, doctrinaires, qui se croient en possession de la vérité et pour lesquels le bon élève est le miroir qui réfléchit les idées et même les paroles du maître. Mais, généralement, l’enseignement universitaire est libéral. Il le serait plus encore s’il rencontrait plus d’indépendance dans l’esprit des élèves.

Si j’énumère avec une juste satisfaction les mérites de mes collègues des Universités, il ne faudrait pas croire que je suppose ces qualités absentes chez les maîtres des Écoles spéciales. Je sais parfaitement que l’on trouve chez eux, au même degré que chez nous, la science, l’esprit de recherches et le libéralisme. Mais ils sont obligés de compter avec le grand nombre d’élèves qui les empêche de s’occuper de chacun en particulier, avec le concours de sortie qui exige, au nom de la justice, que l’élève qui sait bien le cours soit mis avant celui qui, avec plus d’acquit personnel peut-être, possède moins bien les matières enseignées.

Les Universités possèdent encore une autre condition d’esprit qui influe sur leur enseignement. Elles sont régionales et elles doivent rester régionales. Leurs professeurs, qui sont du pays, soit par leur naissance, soit par une longue habitation, en connaissent les besoins, les industries spéciales, les conditions agricoles, les richesses naturelles. Ils vivent de la vie pratique bien plus que les savants de Paris, et mieux qu’eux ils peuvent tracer des programmes utiles à leur région.

Jusqu’à présent, l’administration supérieure de l’Instruction publique a laissé la liberté aux cours de science appliquée. Il faut espérer qu’elle leur continuera cette marque de confiance et qu’elle ne les étouffera pas sous un fardeau de réglementations et de pro-