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leurs fourrures un prix plus élevé qu'autrefois, quelques-uns deviennent comparativement riches et en même temps moins généreux à l'égard des missionnaires. Parfois aussi le poisson vient à manquer.

Dans une des missions, à N.-D.des-Sept-Douleurs, dix-sept sauvages sont morts de faim en 1876 ; ceux qui ont survécu ont dû manger toutes leurs pelleteries. A Good-Hope, sept sauvages sont aussi morts de faim l'hiver dernier, et, dans un autre poste, trois ont eu le même sort. Quand il y a aussi famine dans les camps sauvages, on comprend que les missionnaires ne reçoivent rien. Une fois ils furent réduits à manger une vieille jument ; et ensuite, pendant cinq semaines, il fallut se contenter de carpes bien maigres, assaisonnées au sel.

À la mission Providence, ils ont eu aussi beaucoup de privations à endurer. Ils durent bannir la graisse de toute préparation culinaire ; par conséquent le poisson, dont on faisait deux repas par jour, n’avait d’autre assaisonnement que du sel. Cependant on découvrit que la graisse de chien était bonne, et il fut décidé que désormais on en ferait usage. Quinze jours plus tard, quatre chiens rejetés par les sauvages furent pris. Puisque la graisse de chien était bonne, on pensa que la viande de chien ne devait pas être mauvaise. On servit donc des côtelettes de chien. Tous les convives y firent honneur.

La pauvreté pour le luminaire est un autre genre de privations. Faute d’éclairage, les Pères sont souvent obligés de passer dans l’inaction les longues soirées d’hiver : tous les missionnaires se servent d’une seule chandelle pour dire la messe.

Pontiac. — Du bassin du fleuve Mackenzie, passons maintenant aux parages limitrophes de la Baie d’Hudson qui forment l’immense mission de Pontiac. Ce vicariat apostolique, érigé en 1882,embrasse toutes les terres comprises entre le 88° et le 72° de longitude. Elles sont peuplées par des tribus d’Algonquins et des Cris.

Il y a trois ans, Mgr Lorrain, évêque de Cythère et vicaire apostolique de Pontiac, visitait, pour la première fois, ses missions sauvages de Témiscamingue, d’Abbitibi, de Moose Factory et d’Albany sur la baie James. Le prélat avait emmené plusieurs Pères Oblats. Le trajet complet des missionnaires fut de plus de 2,500 kilomètres et se prolongea durant les mois de juin et juillet 1884. C’est dans de simples canots d’écorce que s’accomplit cette rude pérégrination apostolique à travers les lacs et le long des rivières de ces vastes domaine du Haut-Canada.

Mgr Lorrain et ses vaillants compagnons remontèrent d'abord le cours de l'Ottawa, jusqu'au lac Témiscamingue. De là, franchissant la ligne de hauteur qui séparent le bassin de l'Atlantique de celui de l'Océan glacial, ils atteignirent les cours d'eau qui se déchargent par la rivière Abbitibi dans la baie James.

Dans ces régions écartées, le missionnaire doit toujours être en mouvement pour porter aux nombreux campements de nomades éparpillés à travers ces immenses solitudes le bienfait de sa parole, de ses conseils, de son ministère.

L'été, les missionnaires se rendent à Abbitibi, et poussent jusqu'à Albany, sur la baie d'Hudson, environ quatre cents milles plus au nord ; l'hiver, ils visitent les missions des chantiers. Ils aiment les sauvages et ils portent loin pour eux la charité et leur condescendance. Ils ne veulent pas qu'on les gronde.

« Avec des reproches, disent-ils, on n'en fait rien de bon. Le sauvage, tout sournois et rancunier qu'il soit ne connaît pas d'impatience et elle lui déplaît fort chez les Blancs. Au contraire, on le relève et on le soutient avec de bonnes paroles et du sucre. »

Tous les printemps, au commencement de juin, les sauvages d’Abbitibi sortent de leurs bois et viennent au Fort de la Compagnie vendre leurs pelleteries ; c’est le temps de la mission. Ils restent campés autour de la chapelle pendant une quinzaine de jours, et ils y resteraient volontiers plus longtemps si le missionnaire n’était appelé ailleurs pour donner les mêmes secours spirituels à une autre partie de son troupeau. Ce sont pour lui quinze jours d’un travail incessant. Il s’agit d’entendre les confessions, de catéchiser les enfants, d’instruire les adultes, de faire les baptêmes, de bénir les mariages, d’enseigner à lire et à chanter : pas de repos ni le jour ni la nuit.

Après ces deux semaines d’exercices spirituels, fortifiés par la parole de Dieu et le pain eucharistique, les sauvages reprennent le chemin de leur pays de chasse. Ils ont en propriété chacun leur part de la forêt sur une étendue de dix milles, de vingt milles, de quarante milles carrés : ils sont familiers avec les limites de leurs domaines respectifs, comme un habitant de nos campagnes connaît les lignes de sa ferme.

La pêche, la chasse aux bêtes errantes et voyageuses comme l’orignal et le caribou, enfin toute chasse nécessaire pour le soutien de l’existence, sont libres partout ; mais, pour la chasse des pelleteries précieuses, comme celle des castors, des martres, des