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que tu m’as dit la dernière fois ; je le comprends. Dis-moi encore quelque chose ; j’ai faim de la prière et de l’enseignement divin. »

On voit que les missionnaires n’ont pas travaillé en vain dans ces régions glacées. Mais ce n’est pas sans avoir eu beaucoup d’obstacles à vaincre, qu’ils sont arrivés à ces résultats. Ils ont eu et ont encore beaucoup à souffrir des rigueurs de la température, des difficultés des communications et des privations de tout genre.

L’hiver dure ordinairement de huit à neuf mois, et le thermomètre marque souvent 30, 40 et même 50 degrés centigrades au-dessous de zéro. Malgré ce froid excessif, la plupart des missionnaires sont forcés de faire de longs voyages pour visiter des postes dépendants de leur district. L’évêque, pour remplir les obligations de sa charge, doit, chaque année, voyager une grande partie de l’hiver.

« J’ai fait, raconte Mgr Clut, il y a cinq ans, un voyage de trente-cinq jours de marche à la raquette, et j’étais parti du cercle polaire, le 5 janvier. Pendant les seize premiers jours, la température descendit entre 40° et 52°.

« Après une journée de marche et de fatigue, nous passons la nuit dans une vaste hôtellerie préparée par la Providence. La voûte en est immense et incomparablement ornée : c’est celle du firmament, presque toujours resplendissante de magnifiques aurores boréales qui l’embrasent d’une extrémité à l’autre. Des étoiles très brillantes ajoutent leur éclat à ce beau spectacle, éclat d’autant plus vif que le froid est plus intense.

« On choisit, autant que possible, un endroit où l’on trouve du bois sec et des sapins verts, et un abri contre le vent. Quelques-uns des voyageurs, se servant de leurs raquettes comme de pelles, écartent la neige et disposent la place du campement. D’autres coupent des branches de sapin qu’on étendra en guise de matelas. D’autres enfin abattent des arbres, allument un grand feu et préparent le souper. Pour les chiens on se contente de faire un peu dégeler et rôtir des poissons. Les deux gros poissons qu’on leur donne à chacun sont dévorés à l’instant, et c’est leur unique repas de la journée. Les chiens vont ensuite se blottir sous les arbres jusqu’à ce que leurs maîtres les appellent pour venir se coucher auprès d’eux.

« Pendant ce temps on a fait fondre de la neige pour le thé. La viande sèche est bouillie ou rôtie, selon les goûts. Bien que la viande sèche, le pemmican et plus encore le poisson sec ne paraissent pas capables de satisfaire le palais, on les mange de bon appétit. On y ajoute parfois un petit biscuit de farine d’orge mêlée à un tiers de farine de froment ; car c’est pour ces pénibles voyages qu’est réservé le peu de farine que nous recevons.

« Vient le moment du repos. Nous étendons sur les branches de sapin une couverture, puis nos manteaux ; c’est sur ce lit que nous coucherons, protégés par deux couverture de laines et une fourrure. Nous nous enveloppons le plus hermétiquement possible, ne laissant aucune ouverture pour respirer. L'air pur et vif de ces régions arrivera à nous plus que nous ne le désirerons, et nous sommes sûrs de ne pas nous asphyxier. Vers deux ou trois heures du matin, le maître de la caravane appelle celui qui doit faire le feu et préparer le déjeuner. Les voyageurs le font tour à tour, Enfin le signal du réveil général est donné. On se lève, on fait sa prière, et, après un léger déjeuner, la caravane se remet en marche.

« Un des voyageurs, les raquettes aux pieds, passe devant les chiens et leur trace le chemin, s’il n’en existe pas, et c'est l’ordinaire. Autrement les chiens refuseraient d'avancer ; du reste, ils enfonceraient trop dans la neige. Quand la neige est abondante, il faut que deux ou trois voyageurs tracent le chemin les uns à la suite des autres. Nos traîneaux sont ordinairement attelés de quatre gros chiens. Le traîneau se compose de deux ou trois planches de bouleau, d’une épaisseur de trois quarts de pouce. Il a huit pieds de long et seize pouces de large. Les planches en sont minces, afin que le traîneau chargé puisse plier et suivre les ondulations des bancs de neige.

« Entre dix et onze heures du matin, on s’arrête pour dîner. Quelques branches de sapin étendues sur la neige servent de siège et de table.

« Telles sont nos journées de marche l’hiver. »

Les voyages d’été se font en barques découvertes, ou en canots d’écorce de bouleau. Ces voyages sont quelquefois très dangereux, à cause des rapides qui abondent dans nos rivières.

Les missionnaires sont exposés à souffrir de la disette de la viande et du poisson, leur nourriture habituelle. La viande est devenue excessivement rare depuis sept à huit ans, surtout ces deux dernières années. Les animaux de chasse, les orignaux, les rennes et les ours sont moins nombreux, parce que les sauvages en tuent davantage au moyen des armes perfectionnées. D’autre part, les sauvages tirant de