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AMÉRIQUE DU NORD.

PRÈS les vénérables et séculaires missions de l’Ancien Monde, accordons un regard aux Jeunes églises du Nouveau. Là plus de souvenirs héroïques, plus de persécutions sanglantes prolongées durant des siècles, plus de légions de martyrs par milliers. La fondation des chrétientés que nous allons parcourir est de date trop récente pour fournir aux annales de l’apostolat des pages nombreuses. Nous touchons pour ainsi dire à leur création. Mais, si elles n'ont point de passé, quel grandiose horizon, quel superbe avenir s'ouvrent devant elles ! Quels glorieux accroissement elles promettent à l'Église de Dieu ! C'est ce que les progrès réalisés depuis cent ans permettent déjà d'entrevoir. Par une de ces compensation dont la Providence a le secret, des Églises nouvelles se lèvent par delà les mers dans la sérénité de la force et de la paix, au moment où les vieux peuples chrétiens de l'Occident se laissent de plus en plus envahir par l'esprit d'irréligion. Il y a plus de deux siècles que les apôtres de l'Europe prodiguent aux missions de l'Amérique leurs sueurs et leur sang.

« Combien de dangers la nature et les hommes leur préparaient dans ces sauvages contrées ! s'écrie l'historien Bancroft. Affronter la rigueur d'un climat


AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE. — INDIENS DU FLEUVE YOUKON AVEC LEURS CHIENS.


nouveau, traverser les fleuves, voyager sur la neige sans pouvoir se réchauffer, n’avoir pour nourriture qu’un peu de maïs écrasé sous une pierre, ou même quelquefois la mousse des rochers, travailler sans relâche, être obligé, pour ainsi dire, de vivre sans aliments et de dormir sans lieu de repos, ne pouvoir pas compter sur un jour d’existence, être exposé à toute heure à périr par les flammes ou sous le tomahaw : telle est la vie qui, cependant, donnait à ces héros d’ineffables consolations. Que de fois, sans doute, sur leur dur oreiller de pierre, eux aussi, comme le patriarche Jacob, ils sentirent l’encourageante présence de l'Éternel ! Que de fois les vieux chênes à l'ombre desquels ils s'asseyaient pour se reposer, furent pour eux le chêne de Mambré, sous lequel Abraham partageait son pain avec les anges du ciel ! »

Leur sang féconda le champ de leur apostolat. Les noms d'Isaac Jogues, de Jean de Brémeuf, de Gabriel Lallemand, pour ne nommer que les plus illustres, sont au martyrologe de cette Église naissante. Ibo et non redibo, écrivait le P. Jogues, en partant pour son dernier voyage chez les Mohicans.

Chacun de ces hommes savait qu'il était baptisé pour le martyre. « Mais déjà morts au monde, dit le même historien, et possédant leur âme dans une paix