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n’est pas rare, mais elle n’atteint pas toujours son but Plus d’une fois celui qu’on avait cru mort, est revenu à la vie, et, dans ce cas, on dit qu’il est ressuscité. Ces cas de survivance ont donné lieu à un singulier argument. Comme les Pères, pour établir la divinité de Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST, insistaient sur le miracle de sa résurrection, on leur a répondu plus d’une fois : « Cela peut être un grand prodige dans votre pays, mais ce n’en est pas un chez nous ; nous avons plusieurs gens ressuscités à Poebo. » Ces décès hâtés par la violence arrivent aussi aux chrétiens dont les parents sont encore idolâtres. Plusieurs fois ceux-ci sont venus chercher le prêtre, en lui disant : « Ne manque de venir aujourd’hui, car le malade sera mort demain. — Et comment sais-tu qu’il sera mort demain ? — À Poebo, nous savons toujours cela. » En effet le missionnaire trouvait toujours les parents et les amis réunis, les apprêts du festin presque terminés, et quelquefois il avait à peine fini les cérémonies du baptême, ou de l’extrême-onction, que les pleurs commençaient. Une fois même, on dit au prêtre, lorsqu’il arriva dans la case, que son malade avait rendu le dernier soupir. Désolé et étonné d’une fin aussi prompte, il voulut voir le cadavre, qu’on avait jeté dans un coin, or, celui qu’on disait mort se mit à soutenir qu’il ne l’était pas, et cela au grand ébahissement de l’assemblée. Le festin n’en eut pas moins lieu.

Quelquefois les Calédoniens avancent la mort de leurs parents sans le vouloir, et même avec le dessein de les empêcher de mourir. Lorsqu’ils voient un malade près de l’agonie, ils lui compriment les narines et la bouche avec la main, pour empêcher la vie de s’échapper. Le R. P. Rougeyron administrait un jour un infirme ; pendant qu’il faisait les onctions, il s’aperçut qu’un des assistants avait posé la main sur la bouche du malade, et qu’il allait l’étouffer. Il repoussa vite la main malencontreuse, le patient ouvrit la bouche et mourut. « — Vois-tu, lui dit le Canaque ébahi, sa vie s’en est allée ; aussi pourquoi m’as-tu ôté la main ? »

Avenir de la race canaque. — Après avoir parlé de la mort individuelle des indigènes néo-calédoniens, que penser de la race entière ?

Doit-elle disparaître, comme tant d’autres peuplades de couleur, qui, se trouvant en contact avec la race blanche, se sont éteintes peu à peu ?

« Hélas ! s’écrie le P. Lambert, à la fin de son précieux ouvrage sur la tribu Bélep, hélas ! cette loi fatale est en pleine voie d’exécution. Quelles sont les causes de ce fait ? De tous temps et en tous lieux une malédiction paraît peser sur l’homme de couleur. On le


NOUVELLE-CALÉDONIE. — VUE DE NOUMÉA.


dirait né pour être esclave. Et ceux-là mêmes qui, par des motifs de pure philanthropie, proclament son