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grosse barque de pêche mise pour quatre mois à notre disposition. Le lendemain, nouvelles difficultés. Je croyais trouver le bateau tout prêt et tout armé. Il n'a point de boussole. Comment faire ?... retourner à Thursday pour en acheter une ?... Mais pour y aller il m'en faut une. heureusement arrive un bateau qui en a une de reste et qui nous la cède. Enfin, le 25 juin au matin, après avoir célébré le saint sacrifice de la messe dans notre cabane de paille, nous levâmes l'ancre pour la Nouvelle-Guinée.

« La journée fut terrible ; juste au moment de traverser deux bancs de coraux, la pluie se mit à tomber, la mer passait par-dessus le bateau et j'eus mille peines à rassurer mes compagnons de voyage et à me tenir cramponné à l'avant pour examiner la route. Le soir, mouillés jusqu'aux os, nous ancrâmes derrière l'île Darnley, dont l'Albertis parle longuement dans son voyage à Jule-Island. Nous dressâmes la tente sur le pont pour y passer la nuit, mais tout était mouillé. Impossible de sa réchauffer. Pour comble, le vent, agissant sur la tente, fit chasser le bateau sur son ancre et nous renvoya au large. Il nous fallut une bonne heure pour revenir. Le lendemain, impossible de partir. Mais le 27, vers trois heures du matin, le vent étant favorable, nous levâmes l'ancre pour ne plus la jeter qu'en Nouvelle-Guinée. Nous entrions en pleine mer, plus d'îlots pour s'abriter, il fallait marcher. En avant donc, il n'arrivera que ce que le bon Dieu voudra pour sa gloire !

« Toute la journée du 27, la nuit et journée du 28, nous eûmes la mer la plus affreuse : les vagues étaient deux fois plus hautes que les mâts de notre barque. Par trois fois nous faillîmes tous être balayés. Comme l'ont se sent petit dans ces terribles occasions !... Les bons Frères étaient pâles d'effroi, ils me regardaient pour savoir ce qu'ils devaient penser. Enfin, le 28, vers si heures du soir, le ciel s'ouvrit et devint tout à coup serein, du côté de la Nouvelle-Guinée. Une pauvre petite colombe nous avait annoncé la terre ; fatiguée du chemin, elle cherchait à se reposer sur nous voiles. J'en fus touché, tout le monde disait : « C'est de bon augure. »

« Vers le soir, au moment où nous ne pensions qu'à prier, le Frère Gasbarra s'écria :

« La Nouvelle-Guinée !... La Nouvelle-Guinée!... »

« Elle était là, en effet, cette chère Terre Promise. Les larmes nous vinrent aux yeux à tous, larmes de joie et de reconnaissance.

« Deux jours furent employés à reconnaître les lieux. En louvoyant le long de la côte, nous vîmes deux grands villages. Ayant jeté l'ancre devant l'un d'eux, vite les sauvages vinrent à notre bord avec des cocos qu'ils troquèrent pour du tabac.

« Enfin, le 30 juin au soir, nous ancrâmes dans Hall-Sound, en face de l'île Jule ou Roro, but de notre voyage, et où nous devons établir une station qui sera comme la mère de toutes les stations subséquentes de la Nouvelle-Guinée.

« Le lendemain 1er juillet, fut le jour de descente.

« Arrivé dans une baie fort jolie qui se trouve au sud de l'île, le capitaine de notre barque me dit :

« Je vois des maisons..., des plantations..., je vois
« un sauvage, puis deux, puis trois... »

« Arrière donc, lui dis-je, et jetez l'ancre au centre
« de la baie, c'est là que le bon Dieu nous veut. Cette
« baie sera Port-Léon, en perpétuelle mémoire de
« Sa Sainteté Léon XIII' qui nous a confié l’évangélisation
« de la Nouvelle-Guinée, et la colline que voilà
« sera notre future résidence »

« A peine eûmes-nous ancré, que les sauvages se montrèrent en foule sur le rivage. Ils sortaient de toutes parts. Je leur fis signe de venir. Aussitôt une vingtaine d'entre eux se précipitèrent dans leurs pirogues qu'ils tenaient cachées, et se dirigèrent vers nous.

« C'était plus que n'en voulait notre capitaine ; il eut un peu de frayeur et chargea son révolver. Je défendis aux hommes de tirer sans mon ordre. Les sauvages arrièrent, bons, presque timides. Je fis monter les plus âgés et leur donnai un peu de galette de mer. Ils ne se firent pas prier, je vous assure. J'avisai alors l'un d'eux qui se nomme Raouma, et je lui fis entendre que je voulais descendre dans son île près de sa maison. Il comprit mes gestes, et fît éclater sa joie d'une manière extraordinaire. Il voulut savoir qui j'étais :

« Missionary, Missionnaire, » lui répondis-je.

« Le pauvre homme prit cela pour mon nom et depuis, tout le monde m'appelle : « Mitsinary ».

« Quand je vis ces pauvres gens en de si bonnes dispositions, je dis au capitaine :

« Battons le fer pendant qu'il est chaud ; suivez-moi
« avec Frère Nicolas et allons de suite acheter
« un terrain »

« Je pris le paquet préparé d'avance pour cet achat et nous voilà partis sur une pirogue de sauvage. L'affaire fut conclue en un quart d'heure. Raouma, Colva, sa femme, toute sa famille et nous, fîmes le tour de