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OCÉANIE CENTRALE

La voie lactée des eaux. Les îles Tokelau. Samoa. Futuna. Le B. Chanel. Wallis. Mort de Mgr Bataillon. L'archipel des Amis.


ATONS-NOUS de reprendre la mer pour fuir ce séjour d’horreur. Là-bas, là-bas, dans l’hémisphère austral, un peu au-dessous de la ligne équatoriale, des milliers et des milliers d’îles, joyeuses et brillantes, nées de l’écume des eaux, émergent du sein des ondes. C’est la voie lactée des eaux, selon l’admirable expression de Reclus. Dans ces pléïades d’étoiles marines, la première nébuleuse qui arrête notre course, sera le groupe des Tokelau.

Il y a quelques centaines d’années, les navires auraient pu facilement naviguer à l’endroit même où se trouve cet archipel ; mais les coquillages, ayant construit leurs innombrables maisons les unes sur les autres, en ont fait un pays pour les humains. Ce même travail des coquillages se remarque actuellement entre Wallis et Samoa ; il est déjà parvenu à deux brasses au-dessous du niveau de la mer ; et dans un certain laps de temps, on verra aussi en cet endroit surgir de la même façon un nouveau pays.

Les îles Tokelau. — Rien de plus curieux que la genèse de ces îles toutes de formation madréporique. Sur la pointe des roches sous-marines, des millions de polypes ont bâti leurs demeures et formé de vastes bancs de corail blanc qui s’est bruni à l’air. En passant et repassant, les vagues ont enlevé les arêtes du corail et apporté sur ces bancs des débris qui s’y sont


ARCHIPEL DES NAVIGATEURS. — JEUNES FILLES SAMOANES.


peu à peu superposés. Le tout est devenu un terrain aride. Pas d’autre terre végétale que ce sable rebelle à toute culture. Pas d’autre verdure que de rares cocotiers qui poussent dans quelque fissure de corail, ou dans quelque coin du sol moins sec et moins dépourvu de sucs nourriciers.

Plusieurs des îles Tokelau sont totalement inhabitées, d’autres renferment soixante, cent, deux cents âmes. Le type, le langage, les traditions de ces indigènes les rattachent aux grands archipels voisins. Égarés sur l’Océan ou poussés par la tempête, quelques Samoans auront rencontré ces îles, s’y seront réfugiés sans plus oser en sortir et les auront peuplées.

Rien de plus misérable que les peuplades de Tokelau. Elles n’ont pas d’autres nourriture que la noix de coco et le poisson. Comme ces îles sont formées de corail, les sources sont rares, et encore l’eau est-elle saumâtre. Plusieurs îles sont même privées complètement de sources d’eau douce.

Les habitants, pour se procurer leur boisson, recourent à une industrie.

Les cocotiers sont tous inclinés par le vent qui souffle presque toujours dans la même direction. Du côté opposé au vent, les indigènes pratiquent des ouvertures allant jusqu’à l’intérieur de l’arbre, sans nuire à son développement. Au-dessus de ces ouvertures et le long du tronc, ils creusent de petits sillons destinés à recevoir et à conduire l’eau de la pluie