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La piété n'a diminué en rien la bravoure des Têtes-Plates, la plus belliqueuse peut-être de toutes les tribus des Montagnes Rocheuses ; car, depuis comme avant leur conversion, ils ont conversé leur supériorité sur leurs voisins les Sioux et les Pieds-Noirs.

Le grand apôtre des Indiens d'Amérique en notre siècle a été le célèbre Père de Smet, jésuite belge, à qui sa ville natale élevait naguère une statue.

Né à Dendermonde, le 31 janvier 1801, il était parti à l'âge de vingt ans pour l'Amérique, et était entré le 21 octobre 1821 au noviciat de White Marsh (Maryland). En 1823, nous le voyons déjà occupé à bâtir la petite église de Florissant, et, quelques années plus tard, c'est à Saint-Louis que ses mains sacerdotales taillent les pierres sur lesquelles repose aujourd’hui


Le R. P. DE SMET, missionnaire jésuite aux Montagnes-Rocheuses.


le plus ancien édifice de l'université de Saint-Louis du Missouri.

Une sphère plus large devait bientôt s'ouvrir à son activité : en 1838, on l'envoie prêcher d'Évangile aux Indiens. Une lumière soudaine lui fait comprendre sa mission : désormais il sera le compagnon inséparable des sauvages, il les suivra dans leurs longues excursions, il les aidera à la chasse, il soignera leurs malades, il instruira leurs enfants, et, partageant ainsi leurs fatigues et leurs joies, il saura gagner leur confiance, les dominer par sa vertu et ouvrir leurs yeux à la lumière de l'Évangile. Une vie, bien rude sans doute, mais riche de consolations pour un cœur d'apôtre. Que de sauvages instruits de leur haute destinée, que d'âmes arrachées à l'enfer et gagnées pour le ciel, que de brebis égarées ramenées dans le bercail du pasteur éternel !

Le nom du P. de Smet devenait peu à peu populaire dans les Montagnes Rocheuses, et il s'en prévalait pour étendre partout les conquêtes pacifiques de la Croix. Nous n'entrerons pas dans les détails de ses travaux apostoliques ; qu'il nous suffise de remarquer que le gouvernement des États-Unis recourut trois fois à son influence pour traiter avec les Indiens. En 1851, il amène au Fort Laramie les chefs de plusieurs tribus indiennes et le gouverneur du lieu voit toutes ses espérances réalisées. En 1858, il parcourut pendant l'hiver le Territoire de Washington et amène neuf chefs puissants au général Harney à Vancouver. Enfin, en 1868, il quitte de nouveau Saint-Louis, accompagné des généraux Sherman, Sheridan, Harney et Ferry. Après de longs travaux, le vieillard désarmé obtient par la puissance de sa parole ce que les soldats n’avaient pu obtenir par la force : Sitting-Bull et ses 500 cavaliers consentent à faire la paix. Les généraux américains adressèrent alors au P. de Smet une lettre qui se conserve encore à l’Université de Saint-Louis et dans laquelle on lit le passage suivant :

« Nous voulons vous témoigner notre estime pour les services que vous nous avez rendus, ainsi qu'à tout ce pays. Sans votre long et pénible voyage au cœur même du territoire ennemi. Sans votre influence sur les tribus les plus sauvages, nous n’aurions jamais pu atteindre les résultats que nous avons obtenus. »

C'est à Saint-Louis que ce vaillant fil de saint Ignace est mort le 23 mai 1873.

Les Apaches. En 1859, le Territoire d'Arizona, qui appartient déjà aux États-Unis, fut agrégé par décret de la Cour de Rome au diocèse de Santa-Fé (Nouveau-Mexique). La même année, Mgr Lamy en fit prendre possession par son grand vicaire, M. Machebeuf, aujourd'hui évêque de Denver, Colorado, et, dans les premiers mois de 1864, il y fit une visite pastorale. La seule église qui restait encore debout était celle de Sans Xavier del Bac. Une centaine de familles d'Indiens Papagos, faibles débris de la grand tribu qui formait autrefois la missions, vivaient autour de cette église. Le reste de la population, en dehors des Pimas du Gila et des autres tribus indiennes dispersées sur différents points, se composait de quelques familles mexicaines et d'un petit nombre d'Américains. L'ensemble de cette population ne dépassait pas 1,500 âmes dans tout le Territoire. Cependant, le prélat ne voulait pas laisser sans admi-