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Sorciere sans démons, qui predis l’avenir,
Qui, regardant la main, nous viens entretenir,
Et qui charmes nos sens d’une aimable imposture :

Tu parois peu scavante en l’art de deviner ;
Mais sans t’amuser plus à la bonne avanture,
Sombre Divinité, tu nous la peux donner.



la beauté fiere.


Philis, vous estes fiere autant qu’on vous voit belle,
Et vous paroissez belle au supréme degré.
Mais parmi cette humeur, que l’on nomme cruelle,
Je voy certains attraits qui sont fort à mon gré :

Cét air majestueux, digne d’une Immortelle,
Me fit bastir l’Autel qui vous fut consacré ;
J’y serois moins devot si vous n’estiez point telle,
Et dans un Temple ouvert je fusse moins entré.

O fierté, confondue à des beautez divines !
O meslange esclatant de Rozes & d’Espines !
Je voy bien que je pers & mes pas & mes soins,

Je voy bien que je pers mes soupirs & mes larmes ;
Mais un si noble orgueil a pour moy tant de charmes,
Que si vous m’aimiez plus je vous aimerois moins.


Après ces quatre magnifiques spécimens de l’art somptueux de Scudéry, je dois continuer à examiner (toujours par nombres croissants de sonnets) les quelques autres poètes qui se sont distingués dans ce genre. Mais je suis soudain pris de remords, de me borner si tôt dans mes citations de Scudéry ; je ne puis résister au plaisir de publier encore trois sonnets de lui :



Sur un Orage.


Les vents sont déchainez, & la pluye & la gresle
Tombent confusément avecques les esclairs ;
La Nature en desordre a tout mis pesle-mesle,
Et le tonnerre affreux éclatte dans les airs.