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le château de chavaniac

bourgeoise, alla lui présenter le vin d’honneur : trois députations du présidial en robes rouges, le complimentèrent. Enfin, c’était une allégresse générale dans la ville ; on s’embrassait presque sans se connaître ; on ne cessait de crier ; Vive Lafayette ! Chacun de ses concitoyens semblait participer à sa gloire.

« Il venait de perdre une de ses tantes et s’empressa d’arracher une autre qui lui reste à sa douleur et de l’emmener avec lui. Cet acte de tendresse nous prouve qu’il est susceptible de tous les sentiments. Il a reçu avec la modestie qui le caractérise, tous les honneurs qu’on lui a offerts »[1].

Les mêmes manifestations enthousiastes accueillirent, au reste, sur tout son parcours, le héros de York-Town et sa marche à travers les villes de Clermont, Issoire, Brioude, ne fut qu’une longue ovation.

Au mois de juillet, il ramena sa tante à Chavaniac et y fit un plus long séjour, qui fut marqué par une manifestation mémorable de sa bienfaisance.

Après une année des plus médiocres, les récoltes semblaient encore très compromises. Une disette était à redouter, aussi les grains avaient-ils atteint un prix fort élevé. L’on se figure aisément la satisfaction mêlée d’orgueil que le régisseur du domaine dut éprouver en montrant à son jeune maître l’abondante réserve de céréales encombrant ses greniers. « Monsieur le Marquis, lui dit-il, voici le moment de vendre votre grain. » Mais le marquis l’interrompant aussitôt : Non, mon ami, c’est le moment de le donner. » Et, de fait, le blé fut distribué dans cinq ou six paroisses voisines.

Lafayette ne se borna pas à cet acte d’extrême libéralité ; il fit encore les plus grands efforts, il adressa d’instantes sollicitations pour demander au gouvernement de venir en aide à ses voisins. Mme de Lafayette joignit ses instances aux siennes et les curieux documents publiés par notre compatriote, M. Henri

  1. Mémoires secrets de Bachaumont, t. XXII, p. 276.