Page:Société agricole et scientifique de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1881-1882, Tome 3.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
une sédition à pradelles

Pradelles une sédition des plus sanglantes et amener, dans cette petite ville de nos montagnes, les désordres les plus grands.

Les États particuliers du Vivarais ayant décidé, pour parer à la disette, de faire un achat de grains pour en fournir aux plus nécessiteux, signèrent avec M. d’Aubinhac, bailli, un traité aux termes duquel l’administration de Pradelles cédait aux États pour 3,000 livres du blé contenu dans les importants greniers que possédaient, dans cette ville les bénédictins de la Chaise-Dieu[1] et le vicomte de Beaune.

Aussitôt que la nouvelle de ce marché leur parvient, les habitants de Pradelles murmurent, déclarent qu’ils ne souffriront point qu’on vienne acheter leurs grains, qu’ils s’y opposeront de vive force. Ils basent leur résistance sur l’ordonnance précitée, d’après laquelle les muletiers ne peuvent emporter des grains qu’en échange d’autres denrées. Pendant quatre ou cinq jours, ils s’excitent mutuellement à la rébellion, au point qu’ils finissent par jurer de massacrer les étrangers qui viendront leur enlever leur réserve. Les magistrats de la cité font de vains efforts pour calmer les esprits.

Enfin le mercredi, 3 avril, pénètre dans l’enceinte de la ville, un convoi de cent trente mulets, bâts vides, plaques de cuivre et panaches au front. L’on s’émeut, l’on s’assemble et bientôt le démon de la discorde insinuant ses perfides conseils, l’on décide non-seulement de ne laisser sortir de Pradelles un seul boisseau de grain, mais encore de courir sus aux étrangers qui viennent affamer le pays.

L’on se précipite vers l’auberge de la Croix-Verte, dont l’écurie a donné asile au plus grand nombre des mulets ; l’on coupe les licols de ces animaux, les sangles des bâts pour les mettre hors de service. Les muletiers, et notamment leur chef, M. Vincent Besson, marchand de soies de Rochemaure, sont fort maltraités. Résister eût été folie. Aussi, Besson ayant péniblement

  1. Comme propriétaires du prieuré voisin de Saint-Paul-de-Tartas.