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du capitaine Trialet. Le poste était important, car il ouvrait une porte sur le Velay. Aussi, aussitôt que la nouvelle fut parvenue au Puy, le sénéchal Pierre de Châteauneuf de Rochebonne et l’évêque Antoine de Senecterre s’empressèrent-ils de se mettre en campagne. Devant leurs forces imposantes « la garnison huguenote capitula ; mais, sans égard pour cette capitulation, les catholiques les firent passer par le fil de l’épée, n’épargnant que le capitaine Trialet[1] », sans doute parce qu’il était le seul à pouvoir payer rançon.

L’évêque et le sénéchal rendirent le couvent aux Chartreux ; mais à partir de ce jour, placés au milieu d’ennemis et d’amis qui ne valaient pas mieux, ils vécurent sans sécurité. Ils ne jouirent même point du calme qui succéda aux guerres de religion et de la ligue. Par une sorte de fatalité, Bonnefoy se trouvait sur le chemin que suivaient, par des intérêts divers, tous ceux qui guerroyaient encore dans le pays. Vers les premières années du XVIIe siècle « cette [maison de Bonnefoy] était devenue comme une prison, veu les grands dangers qui se trouvent des voleurs et vendeurs de chrestiens. Il ne se parle plus en ces montaignes de prendre des places, ny du bestail, mais bien de se vendre les uns aux autres, les huguenots vendent leurs confraires aux catholiques et semblablement iceux aux autres[2] ».

Les bâtiments tombaient en ruine ; n’avait-il pas fallu pourvoir à d’autres frais, ne serait-ce que la solde des hommes d’armes chargés de protéger les religieux et le nombreux bétail du couvent ? La population était devenue en grande partie huguenote. Pouvait-on même compter, comme autrefois, sur la fidélité des frères lais et des nombreux serviteurs ? Leur fréquentation constante avec les soldats pillards et débauchés qui fréquentaient ces parages, avec cette population inquiète et hostile, ne présentait-elle pas le plus grand danger au point de vue de la discipline et de la régularité monastique ? Tout se réunissait pour

  1. Histoire générale du Languedoc, t. V. pag. 327.
  2. Lettre inédite de Dom Pierre Torrilhon, coadjuteur de Bonnefoy, à son frère. Dernier octobre 1628. Elle est en ma possession.