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récente a levé les scellés des Archives de nos ministères, on peut avoir une idée des trésors enfouis dans les cartons officiels. Déjà il s’est produit bien des révélations qui font justice d’une foule de préjugés et de partis pris. Nous avons, par exemple, un Saint-Simon et un Talleyrand que nous ne connaissions guère. Ces deux hommes, jugés avec tant de légèreté, avaient une portée intellectuelle et même une élévation patriotique, dont il faut aujourd’hui rendre témoignage. Il en est de même pour Richelieu, Mazarin, Colbert, Louvois et tant d’autres sommités de l’ancien régime. Les conducteurs de peuple, ceux auxquels tombe la charge de contenir et de diriger les choses humaines, contractent dans le maniement des grandes affaires une hauteur de vues qui déteint sur leurs écrits. Lorsque la pensée est forte et grande, le style se met à l’unisson. Au dessous de Richelieu, Colbert, Louvois et dans un cran inférieur, se trouvent les agents et correspondants de ces illustres chefs de file. Le Dépôt de la guerre contient une masse de dépêches, d’une valeur inégale, mais dont un grand nombre sont des modèles de diction noble, précise et élégante. Telles sont, entre autres, les dépêches adressées par le comte de Coligny au marquis de Louvois.

Nous avons exposé dans l’Annuaire de la Haute-Loire de 1878, comment Léopold, empereur d’Allemagne, menacé d’une invasion ottomane au cours de l’année 1664, demanda l’assistance de Louis XIV dans ce péril commun à toute la chrétienté. Le roi envoya généreusement à l’ennemi traditionnel de sa maison un corps d’armée de six mille hommes sous les ordres du comte de Coligny, créé pour cette circonstance lieutenant-général. Les troupes françaises se rendirent en Hongrie et assistèrent, le 1er août 1664, à ce singulier combat dit de Saint-Gothard où les ennemis, après avoir fait un grand carnage des Impériaux furent tout-à-coup arrêtés dans leur victoire par deux bataillons français. Les choses changèrent aussitôt de face et une journée commencée par un désastre finit par un triomphe. Coligny allait fondre avec toute sa petite armée sur les Turcs, lorsque ceux-ci,